jeudi 3 mars 2011

Libye : Kadhafi promet "un nouveau Vietnam"

Mouammar Kadhafi
(c) AFP Mouammar Kadhafi

Depuis le 15 février, la Libye est le théâtre d'une contestation et de manifestations sans précédent contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans. Le point jeudi 3 mars.

Situation politique. Au 16e jour d'un soulèvement sans précédent, Mouammar Kadhfai s'est de nouveau exprimé mercredi lors d'une cérémonie publique, contestant l'existence de manifestations en Libye et accusant Al-Qaïda de provoquer le désordre. "Il n'y a pas eu de manifestations en Libye", a-t-il répété. "Les troubles ont commencé avec l'infiltration de cellules dormantes d'Al-Qaïda en Libye, qui se sont emparées des armes et ont attaqué les forces régulières", a-t-il lancé lors de cette commémoration du 34e anniversaire de l'établissement du "pouvoir des masses" en Libye. Le colonel a également promis l'amnistie à "tous ceux qui remettent les armes et rentrent dans leurs foyers".
"Des milliers de Libyens mourront en cas d'intervention de l'Amérique ou de l'Otan", a-t-il prévenu, promettant au passage "un enfer et une mer de sang pire que l'Irak ou l'Afghanistan": "Nous distribuerons les armes par millions et ce sera un nouveau Vietnam." Il a redit qu'il ne partirait pas, ne pouvant démissionner, puisque le pouvoir appartient "au peuple". Sur le plan économique, le Guide a affirmé que la production pétrolière en Libye était "au plus bas" et que le gel des avoirs de l'Etat à l'étranger, décidé un peu partout dans le monde, relevait "d'une usurpation et d'un vol de l'argent du peuple libyen".
De son côté, l'opposition s'organise. C'est l'ex-ministre libyen de la Justice, Mustapha Mohamad Abdeljalil, qui va présider le "Conseil national" de 30 membres mis en place samedi par les dissidents qui contrôlent l'est du pays.

Sur le terrain. Mouammar Kadhafi et ses forces ne contrôlent plus que Tripoli et sa région alors que l'opposition s'est établie à Benghazi, la deuxième ville du pays, dans l'est. Elle tient également plusieurs villes de l'Ouest. Mercredi, les forces fidèles au régime ont lancé une contre-offensive à Brega, à 40 km de Tripoli. Selon des témoins, des mercenaires arrivés à l'aube ont notamment tenté de reprendre les infrastructures pétrolières, mais l'opposition armée avait recouvré le contrôle de la majorité de la ville en fin de journée. Elle parlait d'une dizaine de morts dans la bataille.

Situation économique. L'agence de notation Fitch abaisse de nouveau la note de la Libye, deux semaines après une première dégradation, de "BBB" à "BB", la relèguant en catégorie spéculative, invoquant des "conditions politiques et économiques chaotiques".

Situation diplomatique. Si toute intervention militaire est écartée pour le moment, malgré les appels de l'opposition libyenne, l'option d'une zone d'exclusion aérienne fait toujour débat au sein de la communauté internationale. Les Etats-Unis sont encore "loin d'une décision" sur l'opportunité d'instaurer une telle zone, a déclaré la secrétaire d'Etat Hillary Clinton en invitant à la prudence.
L'Iran a mis en garde contre une intervention militaire et toute tentative de transformer ce pays en base militaire. Toutefois, deux navires de guerre américains ont traversé le canal de Suez et rejoint mercredi la Méditerranée pour se positionner au large de la Libye, dont l'USS Kearsarge, avec quelque 800 Marines, une flotte d'hélicoptères et des installations médicales, qui peut assurer un soutien à des opérations humanitaires aussi bien que militaires.

Situation humanitaire. Le Programme alimentaire mondial (PAM), agence de l'ONU, a annoncé mercredi un plan d'aide alimentaire d'urgence de 38,7 millions de dollars (28 millions d'euros) pour 2,7 millions de personnes en Libye, en Egypte et en Tunisie.
Une foule s'étendant "sur des kilomètres et des kilomètres" venant de Libye se presse à la frontière tunisienne, a déclaré mercredi une porte-parole du HCR, qui a lancé un nouvel appel pour que des "centaines d'avions soient affrétés" afin d'évacuer les gens. La France va utiliser des rotations d'avions gros porteurs et un navire pour évacuer prochainement vers l'Egypte au moins 5.000 travailleurs égyptiens réfugiés à la frontière tuniso-libyenne. Après le passage de 70.000 à 75.000 personnes de la frontière libyenne à la frontière tunisienne, le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'Onu a alerté mardi sur une situation qui a atteint "un niveau de crise".

Gel des avoirs. L'Union européenne a adopté lundi un embargo sur les armes contre la Libye ainsi qu'un gel des avoirs et des interdictions de visa contre le colonel Mouammar Kadhafi et 25 proches, allant au-delà des sanctions décidées samedi à l'ONU, selon des diplomates européens. L'UE étudie en plus le gel des avoirs de sociétés libyennes liées au régime de Mouammar Kadhafi. Dans une résolution adoptée samedi à l'unanimité, le Conseil de sécurité a imposé notamment un embargo sur la vente d'armes et de matériels connexes à la Libye et une interdiction de voyager sur le sol des Etats membres concernant seize personnes, dont Mouammar Kadhafi, sept fils et sa fille et des personnes intimement liées au régime.

Nombre de victimes. D'après la Ligue libyenne des droits de l'homme, 6.000 personnes ont été tuées depuis le début de la révolte, dont 3.000 dans la capitale Tripoli.

Immigration illégale. Un sommet extraordinaire de l'UE sur la Libye et l'Afrique du Nord aura lieu le 11 mars. En attendant, "un fonds d'urgence de 25 millions d'euros est à disposition et en cas de crise humanitaire majeure, nous devrons trouver des fonds supplémentaires", a déclaré la commissaire en charge de l'Immigration et de la Sécurité, Cecilia Malmström.
Selon Frontex, l'agence de surveillance des frontières européennes, entre 500.000 et 1,5 million d'étrangers, pour la plupart originaires de pays d'Afrique sub-saharienne, vivent en Libye.

Crimes contre l'humanité. L'Assemblée générale des Nations unies a suspendu mardi, par consensus, la Libye du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Le conseil de sécurité de lOnu réfléchit toujours à de nouvelles mesures, parmi lesquelles la piste la plus avancée est la zone de non-exclusion aérienne. Le Conseil de sécurité a décidé de transférer au procureur à la Cour pénale internationale (CPI) "la situation en Libye depuis le 15 février" et demande aux autorités libyennes de "coopérer pleinement" avec le tribunal. Luis Moreno Ocampo annoncera jeudi des noms de personnes visées dans une enquête sur des crimes présumés commis en Libye.