lundi 31 janvier 2011

Quelles perspectives de changement dans le monde arabe ?

Par :
spirit of sumud

La révolution du jasmin en Tunisie n’a sans doute pas encore livré tous ses secrets ni accouché de toutes ses promesses. Mais d’ores et déjà, tous les analystes sont unanimes pour s’accorder à prévoir une onde de choc de cette révolution dans le monde arabe. La sur-médiatisation d’un évènement de cette ampleur ne saurait laisser indifférents les peuples de la région qui sont confrontés aux abus quotidiens d’un régime politique quasi-identique par-delà les différences de forme et de degré.

Si l’aspiration populaire au changement démocratique dans le monde arabe est légitime et indiscutable comme l’illustrent les nombreuses réactions de l’opinion publique arabe au lendemain de la chute du dictateur tunisien, de nombreuses questions demeurent posées et nécessitent des réflexions sérieuses si on veut que le changement politique qu’appelle tôt ou tard l’histoire soit à la hauteur des attentes populaires.

Le scénario tunisien est-il exportable ?

Dans une région où les énormes sacrifices des populations déjà éprouvées par la misère et la terreur n’ont suffi ni à endiguer l’invasion et l’occupation étrangères ni à empêcher la reconduction de régimes autoritaires et corrompus, la révolution du jasmin a de quoi séduire. Si les dizaines de victimes de la répression sont à déplorer, il n’en demeure pas moins que le changement en Tunisie –qui n’a pas encore livré tous ses fruits- a été relativement pacifique et c’est peut-être une de ses plus belles leçons. Cependant, cet aspect, si important, ne doit pas occulter les particularités historiques du processus de changement à l’œuvre en Tunisie.

Pour comprendre ce qui s’est passé en Tunisie et évaluer les similitudes et les différences avec la situation qui prévaut dans d’autres pays arabes, il est important de rappeler quelques éléments structurels :

1. Le régime maffieux du clan Ben Ali et de sa belle-famille, s’il a constitué la partie la plus visible et la plus hideuse du système n’en a pas moins contribué à l’affaiblissement de la base sociale de ce dernier y compris au sein de la bourgeoisie et de la bureaucratie tunisienne comme l’illustre la facilité avec laquelle le dictateur a perdu la confiance de ses généraux ;

2. Bien avant le soulèvement populaire, et comme l’ont si bien illustré les fuites de Wikileaks, les Américains ont montré qu’ils étaient excédés par les pratiques maffieuses du clan Ben Ali qui ont fini par constituer un facteur de mécontentement au sein des élites et donc un facteur d’instabilité politique et c’est ce qui explique la facilité avec laquelle les Américains ont lâché le régime de Ben Ali dès qu’ils se sont convaincus de la détermination du peuple tunisien ;

3. Mais les Américains ne sont pas fous. S’il est clair aujourd’hui que leur attitude, discrète mais efficace, a pesé lourdement dans la neutralité des chefs de l’armée, ce n’est certainement pas pour des raisons idéologiques ni pour les beaux yeux du peuple tunisien. La diplomatie américaine a pu, sans grand risque, jouer la carte du changement démocratique parce que ses contacts sur place ont fini par la convaincre qu’il existe des élites bourgeoises capables de négocier ce tournant au mieux de leurs intérêts communs. Il faut ajouter à cela le fait que la Tunisie, par sa pauvreté en matières premières et énergétiques et par son éloignement géographique de l’Etat d’Israël, ne bénéficie pas d’un statut stratégique dans l’architecture régionale de la diplomatie américaine ;

4. Le rappel du rôle actif joué par la diplomatie américaine dans le changement en Tunisie ne doit pas servir de caution à la fameuse théorie du complot ni à minimiser le rôle joué par l’insurrection du peuple tunisien. Si le changement a été possible et rapide, c’est aussi parce que la société tunisienne renferme des ingrédients sociaux et politiques favorables au changement démocratique mais aussi des élites capables, par delà leur diversité, de porter ce changement. Ce n’est pas un hasard si dès le début du soulèvement populaire, les robes noires et les blouses blanches ont été aux côtés de leur peuple et ont courageusement accompagné son mouvement insurrectionnel.

La maturité politique des élites tunisiennes et leur capacité à s’opposer au pouvoir n’est pas le fruit du hasard mais relève de facteurs sociologiques et historiques autrement plus puissants. Le modèle de développement tunisien, malgré les limites dues à son caractère de classes et sa dépendance, a été basé sur l’exploitation maximale des ressources du pays, à commencer par la ressource-travail. Cet élément capital ne peut que conforter le travail et le sérieux dans la reconfiguration du rapport social à la richesse et à l’autorité. Le fait de compter sur le tourisme, l’agriculture d’exportation et l’industrie de la sous-traitance, s’il ne manque pas d’engendrer des méfaits sociaux connus et dénoncés à juste titre, a permis de mettre au premier plan les valeurs du travail, de la discipline et de l’ouverture d’esprit, lesquelles ont contribué à façonner des élites et des mentalités aptes à concevoir un changement démocratique. Ce dernier ne résoudra sans doute pas tous les problèmes de société d’un pays comme la Tunisie. Le développement durable et solidaire qu’appelle de tous ses vœux le peuple tunisien n’est peut-être pas encore à l’ordre du jour mais si les élites tunisiennes arrivent à instaurer un Etat de droit démocratique, ce serait déjà une révolution dans ce pays, la première révolution vraiment démocratique dans le monde arabe. Il reste à savoir si tous ces éléments sociopolitiques se retrouvent dans les autres pays arabes pour pouvoir répondre à la question : le scénario tunisien est-il exportable ?

Egypte et Jordanie

L’onde de choc de la révolution tunisienne dans les autres pays reste le principal sujet de préoccupation des chancelleries occidentales. La réaction israélienne, rapide et épidermique, nous renseigne sur la dimension géopolitique du changement démocratique dans le monde arabe. Comme leurs porte-parole dans l’hexagone, les diplomates israéliens n’ont pas hésité à regretter la chute du régime de Ben Ali et à pointer du doigt la « menace islamiste ». Inutile de dire que ce qui les inquiète en Tunisie ne peut que les empêcher de dormir quand il s’agit de pays géographiquement plus proches comme l’Egypte et la Jordanie.

Ces deux pays ne partagent pas seulement la proximité géographique avec l’Etat d’Israël. Tous les deux ont fait une « paix séparée » avec l’Etat hébreu. Tous les deux sont dirigés par des régimes autoritaires et répressifs qui se perpétuent grâce au soutien actif, financier, politique et militaire des USA. Tous les deux mènent une politique économique et sociale libérale dictée par les institutions financières internationales et qui sert surtout les intérêts étroits d’une bourgeoisie compradore incapable d’assurer un minimum de vie digne aux populations.

Dans les deux pays, la doctrine de la « sécurité nationale » sert de prétexte pour museler les libertés de la société civile et l’opposition politique même s’il y a des différences notables entre les deux pays. En Jordanie, il y a une vie parlementaire limitée et une relative liberté de presse. L’opposition nationaliste et islamiste est représentée au parlement. Le Front d’action islamique (vitrine politique des Frères musulmans) participe aux élections et est représenté au parlement mais tous ces aspects ne peuvent cacher le fait qu’il s’agit d’une démocratie sous contrôle. La spécificité démographique du pays qui compte une majorité de la population d’origine palestinienne (60% environ) ne saurait laisser indifférent ni le régime ni le voisin israélien ni l’Administration américaine.

En Egypte, le caractère autocratique du régime Moubarak ressemble à celui du dictateur tunisien déchu. Les notes diplomatiques publiées par Wikileaks ne s’y trompent pas. Les commentaires concernant les deux pays se ressemblent fort. Dans les deux cas, il s’agit d’une famille qui rançonne le pays par des pratiques maffieuses et qui a des ramifications au sein d’une bourgeoisie affairiste sans scrupules. Les chefs de l’armée et des services de renseignement ne semblent pas enchantés par la perspective d’une reproduction familiale du pouvoir au moyen d’une « élection » arrangée de Jamal Moubarak et ce fait ne saurait échapper à l’attention vigilante des Américains.

Si le fils Moubarak semble bénéficier du soutien de quelques grandes familles du business comme Sawiris (le patron du groupe ORASCOM) et Al Izz (le premier magnat de la sidérurgie au Moyen Orient) en vue de réaliser ses ambitions présidentielles, il n’est pas dit que l’ensemble de la bourgeoisie égyptienne soit du même avis surtout les fractions lésées par les pratiques monopolistiques et maffieuses des magnats qui ont fait main basse sur l’Egypte. Si une partie de la bourgeoisie égyptienne ne peut que se sentir à l’étroit dans le régime étouffant des Moubarak, les choses sont encore plus nettes au sein des élites de la société civile dont les frustrations accumulées tout au long de ces trente dernières années constituent le meilleur argument pour un changement démocratique.

Les manifestations qui ont eu lieu le 25 janvier dans une dizaine de villes et qui ont rassemblé une centaine de milliers de personnes à l’appel de réseaux sociaux de la société civile illustrent parfaitement cette tendance avec laquelle il faut désormais compter. Le mouvement spontané de contestation sociale du régime Moubarak et qui a sur faire le lien entre les questions sociales et la question du changement démocratique saura-t-il durer dans le temps et saura-t-il accoucher d’une révolution démocratique comme en Tunisie ?

Si en Tunisie le soulèvement populaire a pu constituer l’étincelle de l’ébranlement des élites tunisiennes et du retournement opportuniste de la diplomatie américaine, toutes deux prêtes pour un changement démocratique – du moins un changement contrôlé- il n’en va de même en Egypte qui reste un des piliers de l’ordre régional made in USA. Les Américains regarderont par deux fois avant de donner leur aval au changement. Les enjeux géopolitiques priment ici sur les enjeux sociopolitiques internes. Contrairement aux idées reçues, la diplomatie américaine est loin d’être un adepte de l’immobilisme à tout prix. Un régime aussi caricatural peut même constituer un danger à long terme pour ses intérêts stratégiques. C’est pourquoi elle pourrait s’adapter à un changement démocratique pour autant que ce dernier ne vienne pas à mettre par terre son projet de pax americana dans la région.

Dans ces conditions, que reste-t-il comme perspectives de changement en Egypte et en Jordanie ? Les Israéliens

l’ont dit explicitement. Si un triomphe peu probable des islamistes en Tunisie les dérange, imaginons ce qu’il en serait en Egypte ou en Jordanie. Les dernières déclarations de dirigeants israéliens nous renseignent sur la ligne rouge que le changement démocratique dans ces pays ne saurait franchir. Pour le premier ministre israélien, le triomphe des islamistes en Egypte signifierait la fin du traité de paix de Camp David, pas moins ! En langage diplomatique, c’est une déclaration de guerre qui n’ose pas dire son nom !

Si le changement démocratique et social qui correspond aux aspirations profondes des peuples égyptien et jordanien ne saurait être déconnecté des enjeux géopolitiques régionaux au premier rang desquels il faut mettre l’existence de l’Etat colonial d’Israël, ce qui demeure une perspective lointaine, cela signifie-t-il que ces sociétés sont condamnées à l’immobilisme et à l’arbitraire des régimes en place ? Non, de nombreux indices militent en faveur d’un changement, peut-être plus modeste que celui nous souhaitons, mais un changement quand même ! La révolution tunisienne ne pourra que favoriser les perspectives d’un changement plus que probable.

En Egypte, la perspective de voir le régime se perpétuer par l’entremise d’une « élection » arrangée de Jamal Moubarak ne va pas de soi surtout qu’elle ne rencontre les faveurs ni des chefs de l’armée ni des élites égyptiennes. Si la diplomatie américaine sera ici plus prudente que dans le cas tunisien où les enjeux étaient moins cruciaux, cela ne veut pas dire qu’elle bloquera tout changement si le peuple égyptien descendait dans la rue avec le soutien des élites de la société civile (médecins, avocats, ingénieurs, enseignants et étudiants). L’inconnue majeure reste la capacité des forces du changement en Egypte à négocier ce délicat tournant en faisant la synthèse des aspirations populaires minimales à la liberté et à la dignité et les assurances diplomatiques que les contraintes stratégiques devraient leur dicter dans leurs rapports avec la puissance américaine.

Il n’y va pas seulement des perspectives de changement. Il y va aussi de la sécurité et de la paix civile en Egypte. Si le peuple égyptien n’est pas assez fort pour imposer la solution nationale qui sied à ses aspirations historiques profondes laquelle demande un contexte national, régional et international autrement plus favorable mais si en même temps il se laisse entraîner par des aventuriers verbeux et inefficaces, le risque serait grand de voir des puissances hostiles manipuler la poudrière sociale et les différences confessionnelles pour semer le chaos et briser l’élan de redressement salvateur que tous les peuples arabes souhaitent au peuple égyptien.

Des indices politiques apparus ces derniers mois sur la scène égyptienne permettent de cultiver un optimisme mesuré. Après de longs mois de tergiversations, au demeurant compréhensibles, les Frères Musulmans égyptiens ont compris l’intérêt de se ranger derrière Mohamed Al Baradei qui représente sans aucun doute le candidat potentiel le plus crédible face au clan des Moubarak. Bénéficiant d’un crédit à l’intérieur dans les rangs de la bourgeoisie nationale, des élites et des chefs de l’armée, Al Baradei a aussi pour lui le fait de ne pas effrayer les Américains, ce qui n’est pas rien par les temps qui courent.

Les Frères musulmans égyptiens qui demandaient auparavant à Al Baradei de leur promettre un changement constitutionnel permettant la légalisation de leur mouvement sitôt arrivé au pouvoir ne font plus ce préalable et ont montré une grande maturité politique qui dénote aussi un sentiment patriotique élevé. La manifestation populaire du 25 janvier, qui augure de l’entrée fracassante de la société civile égyptienne, constituera-t-elle le catalyseur de ces tendances du changement démocratique qui travaillent en profondeur la société égyptienne ?

Malgré la similitude des situations égyptienne et tunisienne, le changement qui pourrait s’esquisser en Egypte ne pourra pas dépasser certaines limites imposées par le statut géopolitique de ce grand pays dans l’architecture impériale du grand Moyen Orient mais les perspectives en termes de développement et de démocratisation pourraient favoriser à long terme la renaissance tant attendue de l’Egypte et dont dépend pour une large part la réalisation de l’aspiration de tous les peuples de la région à une paix juste et durable qui passe par le rétablissement du peuple palestinien dans ses droits nationaux inaliénables.

C’est cette même prudence que dictent aussi bien la complexité géopolitique régionale que la maturité politique des élites qui explique les positions de l’opposition nationale et islamiste jordanienne qui sait que le fait de brusquer les choses peut parfois se retourner contre le changement souhaité.

Soudan

Dans le Soudan voisin, les agendas internationaux à caractère géopolitique ont pris de vitesse l’aspiration au changement démocratique du peuple soudanais. La manipulation israélo-occidentale de l’aspiration du su à l’autodétermination, à la liberté et au développement, a réussi, aidée en cela par l’irresponsabilité criminelle d’un pouvoir nordiste, sourd aux appels à la liberté, à la justice et à l’égalité des populations d’un sud marginalisé et méprisé. L’entêtement de tous les régimes soudanais qui se sont succédés depuis l’indépendance dans une politique anti-nationale et anti-démocratique a donné du grain à moudre à une opposition politico-militaire sudiste ouvertement soutenue par Israël dans le but géopolitique évident de renforcer la ceinture de sécurité des Etats africains hostiles à l’Egypte et capables le moment venu de jouer le rôle qui leur est dévolu : boucher les sources du Nil en vue d’assoiffer le peuple égyptien et contrarier son développement.

La perspective de la sécession du sud du Soudan est porteuse de tous les extrêmes. Elle peut accélérer la chute du régime du général Al Bachir comme elle pourrait renforcer la solidarité du nord autour du régime. Mais dans tous les cas de figure, outre les enseignements utiles pour d’autres pays arabes promis à des scénarios similaires par des officines actives, la question du changement démocratique restera à l’ordre du jour tant elle conditionne la capacité des sociétés à relever les défis d’une véritable indépendance nationale et d’un véritable développement durable et solidaire. Malgré l’autoritarisme du régime et la pauvreté du pays, le Soudan possède des élites civiles et politiques remarquables. Libérées du chantage au séparatisme du sud qui était utilisé par le régime pour les réprimer, elles constitueront désormais un catalyseur certain pour le changement souhaité.

Syrie

Dans la configuration géopolitique régionale, l’autre pays qui compte énormément pour Les USA et leur allié israélien reste bien entendu la Syrie. Le refus d’entrer dans une paix séparée, à l’instar de ses voisins égyptien et jordanien, et son entêtement à servir de refuge pour les organisations de la résistance palestinienne qui refusent de suivre l’Autorité de Mahmoud Abbas dans sa capitulation devant l’occupant, suffisent à mettre La Syrie sur la liste noire des régimes indésirables. Certes, en matière d’autoritarisme et de clientélisme, le régime baathiste syrien n’a rien à envier à ses pairs arabes. Comme la plupart des régimes de la région qui jouent la carte de la division ethnique et/ou confessionnelle, le régime syrien sait marier rhétorique nationaliste panarabe et politique clanique fondée notamment sur une alliance des minorités confessionnelles alaouite et chrétienne.

Les réformes économiques libérales initiées depuis plus d’une décennie ont réussi à amadouer une partie de la bourgeoisie commerciale des villes issue dans sa majorité de musulmans sunnites. Malgré leur hostilité affichée au régime, Américains et Israéliens n’ont pas dépassé, jusqu’ici, une certaine ligne rouge. Humilié au Liban lorsqu’il a été obligé de se retirer de ce pays dans le sillage d’une « révolution orange » soutenue ouvertement par la France et les USA, le régime syrien n’a pas été néanmoins déstabilisé outre mesure. Et pour cause. Les Américains n’ignorent pas que la principale force d’opposition organisée au régime baathiste est constituée par les Frères musulmans.

Si certains dirigeants des Frères ont leurs entrées au Congrès dans la perspective d’un compromis rendu inéluctable par des développements futurs, la diplomatie américaine ne peut parier sur un mouvement qui reste intraitable sur la question de la libération inconditionnelle du Golan et qui aurait du mal à convaincre sa base d’une paix séparée avec l’Etat d’Israël avant la résolution définitive de la question palestinienne. Reste l’autre perspective qui consiste à voir émerger un compromis historique entre le régime baathiste syrien et l’opposition islamiste sur la base d’un programme national-démocratique qui réponde à la fois aux aspirations populaires et aux exigences de la défense nationale contre les menaces israéliennes.

Cette perspective qui était impensable il y a quelques années est en train de gagner en réalisme à la faveur de la guerre d’invasion, d’occupation et de dislocation dont a été l’objet le voisin irakien qui a fait comprendre aux Syriens les dangers que font peser sur l’intégrité et l’unité nationales les différends internes qui tardent à trouver une solution démocratique.

Yémen

L’onde de choc de la révolution tunisienne est arrivée jusqu’au lointain Yémen où la population est sortie manifester son soutien à ses frères tunisien et réclamer des réformes démocratiques. Mais la particularité de ce pays marquée par un développement sociopolitique inégal entre le nord et le sud du pays et son statut de maillon faible dans l’architecture géopolitique régionale qui le met sous haute surveillance américaine, ne permettent pas d’entrevoir un changement radical dans l’immédiat. Le pouvoir concentré au nord du pays ne s’appuie pas seulement sur une alliance entre une oligarchie militaire corrompue et des confédérations tribales mais aussi sur l’appui direct des Américains dans la guerre contre le terrorisme comme l’a illustré la répression sanglante de la révolte « houthite ».

Cette dernière, soutenue par l’Iran, a été matée dans le sang par l’intervention conjuguée de l’armée yéménite et de l’armée saoudienne avec la participation d’un contingent marocain, le tout sous l’œil approbateur du protecteur américain. Si au sud du pays, la contestation sociale contient tous les ingrédients susceptibles de hâter un changement national-démocratique, il est difficile, dans les conditions actuelles, d’espérer une perspective qui ne replonge pas le pays dans une guerre de sécession que le peuple ne souhaite pas.

Pétromonarchies du Golfe

Dans les monarchies du Golfe, le mécontentement de larges secteurs d’une société conservatrice contre les excès d’une classe dominante dont l’attachement superficiel et hypocrite aux préceptes religieux n’a d’égal que la décadence morale et la servilité à l’égard de l’occupant américain se fait de plus en plus visible et commence à donner une assise à une opposition nationale et islamiste jusqu’ici isolée. Mais la manne pétrolière continuera à jouer un rôle d’amortisseur de ce mécontentement et la surveillance étroite des services de sécurité bénéficiant de l’encadrement américain constituera pour longtemps encore un solide rempart contre le changement qui ne saurait malheureusement venir de cette région.

Mohamed Tahar Bensaada
Enseignant-chercheur
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Le monde arabe défie le mur de la peur

Un mur s'écroule sur l'autre rive de la Méditerranée. Une muraille invisible mais omniprésente qui a constitué pendant des décennies le principal ressort de régimes à la légitimité chancelante. Ce mur est celui de la peur. La peur d'un arbitraire systématique, à tous les échelons régaliens, à commencer par ceux de la police et de la justice, auxiliaires zélées prêtes à broyer entre leurs meules ceux qui osent revendiquer leurs droits.

La peur ensuite d'une violence d'Etat laissée à la discrétion d'un cercle restreint mais omnipotent et assuré de son impunité. La peur aussi, paradoxale, d'une béance trop brutale du pouvoir, de l'absence d'une alternative politique faisant des régimes en place les pires des systèmes à l'exclusion de tous les autres.

Cette muraille a cédé tout d'abord en Tunisie sous les coups de boutoir d'un peuple trop longtemps humilié et soudainement déterminé à ne plus accepter le sort qui lui était réservé. Elle a rompu vendredi 28 janvier dans les rues du Caire, d'Alexandrie et de Suez, démontrant une fois pour toutes que le peuple égyptien n'était pas condamné à la passivité qui lui était si souvent prêtée.

Quatre jours de manifestations, organisées à la va-vite par une poignée d'opposants électrisés par le précédent tunisien, ont suffi pour ouvrir une crise sans pareille à la tête du géant arabe devenu, au fil des mandats présidentiels accumulés par Hosni Moubarak, l'un des "hommes malades" du Proche-Orient.

Parce que c'est d'Egypte, avant qu'elle ne soit saisie d'engourdissement, qu'est longtemps partie la voix des Arabes, le tremblement de terre qui secoue les deux rives du Nil dépasse encore plus ses frontières que la révolution de Tunis. A tel point qu'on peut assurer sans trop craindre de se tromper que la peur a, d'ores et déjà, changé de camp.

Elle taraude désormais les Etats qui ont trop longtemps dupé et piétiné leur peuple, masquant sous des slogans dirigés vers de commodes ennemis extérieurs l'obsession de la conservation du pouvoir à tout prix. Ce sont ces régimes, à l'est comme à l'ouest du Caire, qui peuvent s'inquiéter aujourd'hui de leur pérennité et de l'impossible équation qui consiste à promettre la réforme après des décennies de verrouillage systématique, souvent justifié par l'argument selon lequel le plus petit relâchement serait l'assurance du chaos.

Deux pays arabes ont déjà prouvé l'absurdité de la stratégie de la peur. Cette dernière n'a pu empêcher deux révolutions. Les démocraties occidentales ont beau garder un souvenir cuisant du basculement iranien, qui transforma en 1979 un allié en ennemi, elles doivent reconnaître qu'il ne sert plus à rien de couvrir les turpitudes de ces régimes qui s'avèrent incapables, au final, d'empêcher l'histoire de s'écrire.

En quelques heures, vendredi 28 janvier, des Egyptiens ont répondu par la négative à la question d'une exception tunisienne. Il est désormais plausible qu'ils ne seront pas les seuls.

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الطاهر بلخوجة: كنت وراء إبعاد بن علي إلى المغرب بعدما عينه القذافي في حكومة الوحدة

وزير داخلية تونس الأسبق يتحدث لأول لـ «الشرق الأوسط» عن بعض خفايا اتفاقية جربة في عام 1978


حاتم البطيوي
كشف الطاهر بلخوجة، وزير الداخلية التونسي الاسبق، في عهد الرئيس الراحل الحبيب بورقيبة، لاول مرة انه هو من كان وراء ابعاد زين العابدين بن علي، مسؤول الامن العسكري في تونس، إلى المغرب، وتعيينه ملحقا عسكريا في السفارة التونسية بالرباط، منتصف عقد السبعينات من القرن الماضي.

وعزا بلخوجة، في حديث خص به «الشرق الأوسط»، ابعاد بن علي إلى كون الزعيم الليبي العقيد معمر القذافي وضع اسمه في لائحة حكومة الوحدة الليبية التونسية بعد توقيع اتفاقية جربة عام1974، كمسؤول عن الامن العسكري للجيشين الليبي والتونسي، بشكل مريب، ودون التشاور المسبق مع السلطات التونسية. واضاف بلخوجة ان السؤال الذي طرح نفسه انذاك بقوة هو: «هل يعقل ان يسلم القذافي الامن العسكري لجيشه لشخص لا يعرفه؟». وذكر بلخوجة ان الامور كانت سرية إلى اقصى درجة، «وعرفنا فيما بعد ان بن علي كانت لديه اتصالات قديمة بالقذافي عن طريق اخيه منصف، الذي كان يعمل في طرابلس». وتحدث بلخوجة الذي خبر دهاليز السياسة التونسية منذ اكثر من خمسة عقود عن مسار بن علي في الحكم، والمآل الذي آل اليه نظامه بعد اندلاع الثورة الاخيرة كما تطرق إلى احداث الساعة في بلاده، وقراءته للمستقبل القريب. وفي ما يلي نص الحوار.

* بعد الاعلان عن الحكومة الانتقالية الجديدة تبدو تونس وكأنها خرجت من عنق الزجاجة. ما قراءتك لهذا المستجد الجديد؟

ـ تونس خرجت فعلا من عنق الزجاجة، وان شاء الله سترجع الامور إلى مجراها الطبيعي، لتدخل البلاد مرحلة البناء عقب قيام ثورة خارقة للعادة. والان ثبت بعد خروج فلول النظام السابق من الحكومة، واصبحت هذه الاخيرة صافية، ان الامور اصبحت واضحة، فمحمد الغنوشي رئيس الحكومة الانتقالية هو شخص مقبول، ورجل معروف بين ان له التزامات سيفي بها. لهذا اظن في الوقت الحاضر ان رئيس الحكومة من خلال ذلك سيمكن البلاد تماما من الخروج من عنق الزجاجة. وأود ان اشير إلى ان هناك تحديات كبرى اقتصادية واجتماعية، وهناك ناس يعيشون في جهات نائية يجب ايجاد حلول عاجلة ومؤقتة لهم، من خلال تشجيع الاستثمارات فيها، وخلق فرص الشغل، وفتح ورشة سياسية كبيرة تروم اعداد البلاد للجمهورية الثانية، بحيث يكون الاعداد جماعيا وديمقراطيا، تشارك فيه جميع مكونات المجتمع. واملي كبير في ذلك حتى نشترك جميعا، مواطنين ومسؤولين، في مساندة رئيس الوزراء مع المراقبة الذكية حتى يفي بالتزاماته ازاء ما يترقبه المواطنون، وفي الاجال الدستورية المحددة، وحتى ان تم تجاوز هذه الاجال نوعا ما. ان الناس في حاجة إلى الاستقرار وترسيخ الطمأنينة في النفوس وايجاد حل للمشاكل القائمة.

* باعتبارك وزير داخلية سابقا ما هي الاخطاء والتراكمات التي ادت إلى الوضع الحالي في تونس؟

ـ الحديث سيطول لان التراكمات ليست عفوية أو مفاجئة ولكن بالنسبة لرجال السياسة ومتتبعي الوضع كانت الامور مترابطة، وكان الخطأ الاول هو عدم الاستماع إلى الناس، وتجاهل الاوضاع المتأزمة إلى اقصى الدرجات في الجهات (المناطق). فمنذ حصول تونس على الاستقلال كان هناك دائما تفاوت بين مناطق البلاد خاصة بين المناطق الساحلية والمناطق الداخلية، ويوجد ضمن اسباب هذا التفاوت ان المستثمرين لا يحبذون الاستثمار في المناطق الداخلية النائية. وقد حاولت الحكومات المتعاقبة ايجاد حل لذلك التفاوت بيد ان الامور تأزمت بكيفية كبيرة خاصة في السنوات الاخيرة. وكنا نسمع ان الامور وصلت في تلك الجهات إلى درجة الجوع، جراء عدم توفر المواطنين على مناصب شغل تمكنهم من توفير لقمة العيش لعائلاتهم، هذا اضافة إلى عدم توفرهم على ضمانات اجتماعية سواء في مجال الصحة أو البطالة. ومع مرور الوقت، ومع تزايد عدد حاملي الشهادات الجامعية، تكاثرت البطالة في اوساط الشباب بنسب كبيرة، ذلك ان هؤلاء الجامعيين حينما انهوا دراستهم ورجعوا إلى مناطقهم لم يجدوا شغلا. ان العدد الذي اعلن عنه حول البطالة في صفوف حاملي الشهادات الجامعية يتجاوز الـ 300 الف، وأظن ان هناك 350 الفا، وكلنا يعرف ان الجامعة تخرج كل سنة 60 الفا.

ان الاخطاء الاساسية الموجودة لا تكمن في المفاجأة من قيام الثورة، وانا كنت وزيرا سابقا للداخلية، اشدد على القول انها لم تكن مفاجئة، لماذا؟ لانني عشت تقريبا جميع الاحداث الاجتماعية التي عرفتها البلاد، فأنا عملت مع الرئيس الاسبق الحبيب بورقيبة منذ عام 1954، وتقلبت في الوزارات من داخلية وفلاحة اضافة إلى الامن الوطني، وكنت سفيرا لبعض الفترات، وقضيت 10 سنوات في الامن والداخلية، ولدي قناعة ان الثورة الاخيرة هي ثورة عارمة وخارقة للعادة، وادهشت العالم كله. فهي نتاج لحالة اليأس التي وصل اليها الشعب التونسي، فالثورة مبنية على يأس. واعود إلى الماضي واقول ان اول انتفاضة عرفتها تونس كانت عام 1967، وكنت انذاك في وزارة الاقتصاد، مديرا لديوان احمد بن صالح، وقبلها كنت قائما بالاعمال في باريس، فسفيرا لدى السنغال، فالانتفاضة الاولى قامت بعد 10 سنوات من انتهاج سياسة اقتصادية اشتراكية افلست الناس وخاصة التجار، وتم تأميم اراضي الاجانب، ووضعها تحت اشراف تعاضديات. وتفاجأنا في 7يونيو (حزيران)1967، وكنت وقتها في وزارة الاقتصاد، بالمواطنين يخرجون إلى الشارع في فورة غضب. لماذا 7 يونيو؟ لان كل الانتفاضات والثورات يلزمها سبب. لانها لا تندلع بدون سبب، وكان السبب هو حرب اسرائيل على مصر، ووجد التونسيون في ذلك سببا للتعبير عن الحنق الذي يوجد في صدورهم. لقد تم تعييني غداة تلك الانتفاضة مديرا عاما للامن الوطني، ومنحني الرئيس بورقيبة كامل الصلاحيات، بحيث اصبحت مسؤولا عن الحرس الرئاسي والامن العام، وكانت المشكلة انذاك هو ان الحزب الحر الدستوري الحاكم كان غائبا تماما وليس موجودا، وهو ما لمسناه ايضا خلال الثورة الاخيرة بالنسبة لحزب التجمع الدستوري الديمقراطي. واذكر ان الرئيس بورقيبة نادى انذاك على اقدم المناضلين في الحزب ضمنهم المنجي سليم، وطلب منهم ان يعقدوا اجتماعا مع الحزبيين لكن لا احد جاء إلى ذلك الاجتماع، وكان الامن قد تم تجاوزه، ولم ينته الامر الا بعد ان تدخل الجيش دون ان يسقط ضحايا، وعاد الامن إلى وضعه الطبيعي. كان ذلك هو الدرس الاول، ولكن لسوء الحظ لم نأخد ذلك الدرس بعين الاعتبار. وبالعودة إلى التقارير التي اطلعت عليها عقب تعييني مديرا للامن الوطني، وجدت انها بينت ان الناس سيثورون بسبب تأزم الاوضاع الاقتصادية والاجتماعية. وخلال وجودي على رأس مديرية الامن الوطني اصابني وخز ضمير لانني تأكدت من حقيقة مفادها ان الجميع كان منضبطا، الحزب، والمسؤولين، والديوان السياسي للحزب لا يجتمع ولكنه خائف ويمضي كما اتفق، والبرلمان كذلك، ولم يكن احد يتجرأ لينتقد الاوضاع الا شخصين وثلاثة ضمنهم احمد التليلي الذي غادر البلاد وبعث رسالة لبورقيبة عام 1965، وقال له فيها ان التعاضد والمضي قدما في انتهاج سياسة اقتصادية اشتراكية ستوصل البلاد إلى ما لا يحمد عقباه، وكذلك احمد المستيري عام 1968 الذي قدم في المجلس الاعلى للتعاضد، استقالته من الحكومة.

* طبعا تونس عرفت عدة هزات في 1967 في 1978 وفي 1984 و2010 و2011. والملاحظ انه كانت هناك دائما مقاربة امنية تطغى على أي مقاربة اجتماعية للتعامل مع هذه الهزات، بحيث انه في كل مرة لا يتم استخلاص الدروس مما حدث. ما تعليقك على ذلك؟

ـ بالفعل كان هناك دائما قصور سياسي وامني واقتصادي. لقد ظل الناس في حالة ضنك وافلاس بيد ان المشكلة الاساسية كانت تكمن في افراغ الناس، ليس من حقوقهم السياسية فقط، بل من امكانيات العيش. ففي 1967، اقتصاديا ومعيشيا، وصل الناس إلى حالة متردية. وفي انتفاضتي 1978 و1984 كان هناك نفس الشيء اذ تم تجويع الناس عن طريق الزيادة في اسعار الخبز المدعوم. لقد كان بعض السياسيين واهمون، ويعتقدون انه يكفي ان يكون عندنا بورقيبة والحزب والامن، لكي تمضي الامور إلى الامام، وهذه كانت غلطة كبيرة تمادت إلى حد الان، بحيث سرى الاعتقاد بأن الدولة في ايدينا، والحزب في ايدينا، وفي الاخير لم نجد احدا. واندلعت الثورة وجرفت الجميع.

ان ثورة الخبز لعام 1984 انطلقت من بلدة صغيرة اسمها سوق الاحد تقع في اقصى الجنوب التونسي يوم 29 ديسمبر من نفس السنة. ثم تسربت الثورة إلى الشمال ثم إلى القصرين فجندوبة ووصلت إلى تونس يوم 4 يناير 1984. ان نفس الاسباب التي ادت إلى انتفاضة 1984 ادت إلى الثورة الاخيرة لان هناك ازيد من 350 الف شخص عاطل، اضافة إلى اقتناع الناس بان ارزاقهم تعرضت للسرقة، زد على هذا احتقان الوضع السياسي، وتحول الدولة إلى دولة بوليسية تجسدت في 350 الف شرطي.

* لو طلب منك تقديم استشارة للخروج من المأزق الذي تعرفها تونس بعد نجاح الثورة، فما هي الوصفة التي ستقدمها؟

ـ قبل ذلك يجب ان يعرف قراء جريدتكم كيف كان اسلوب بن علي في تدبير شؤون البلاد، لان اسلوب حكم بورقيبة كان اسلوبا شعبيا بينما اعتمد بن علي مقاربة امنية شبيهة بما كان معتمدا في الدول الشيوعية مثل رومانيا وبولندا، فنيكولاي تشاوسيسكو مثلا اقام امنا خاصا له يتكون من 30 الف عنصر يقيمون معه في القصر، وهو النهج الذي انتهجه بن علي، الذي حوط الجيش، ولهذا لما امره بن علي باطلاق الرصاص على المتظاهرين، ورفض اوامره خسر بن علي كل شيء. وباختصار كان بن علي يتصور انه بامكانه القضاء على الثورة بالاضطهاد والقتل. لذا فان الوصفة الحقيقية لتفادي كل ما حصل مستقبلا، وهذا امر يهم جميع الدول العربية، تكمن في الانصات إلى المواطنين وخلق فرص شغل للشباب، والا ستكون الثورة التونسية عند الباب.

انا الان ليست لدي مسؤولية سياسية، ولكن هذا لا يعفي المرء من اتخاد موقف من الاشياء، واشير هنا إلى ان احمد المستيرى مثلا اخد موقفا، ونفس الامر بالنسبة لمصطفى الفيلالي، وبعض الناس يتساءلون: انتم رجال كبار في السن ولماذا تتخدون موقفا؟ وانا ارد بالقول: نحن لدينا حق في هذا البلد ما دمنا أحياء. فنحن ناضلنا من اجل البلاد مدة 50 سنة ليس من اجل ان تعبثوا انتم بها، وما دمتم تعبثون بالبلاد فإننا سنشهر بكم. والمستيري لديه الحق في ان يقول ذلك. وحين اقول ذلك فليس لان لدي طموحات، فمستقبلي ورائي، وضميري مرتاح، كما انني مررت بازمات كبيرة وخرجت منها باقل التكاليف. واذكر انني حينما كنت وزيرا للداخلية لم تخرج رصاصة واحدة من فوهة مسدس رجل امن، وازحت من وزارة الداخلية، كما قال احدهم: بلخوجة لا يصلح لهذا الموقع، وبالتالي يجب ان نقضي عليه، وبعد ذلك نقضي على الاتحاد العام للشغل فأنا خرجت من وزارة الداخلية يوم 24 ديسمبر (كانون الاول) وبعد ذلك بشهر صارت احداث 26 يناير1978، وكنت قبل 24 ديسمبر1977 القيت خطابا في مجلس الامة، قلت فيه ان الحزب لم يقم بواجبه، وانه مبني على اساس الميليشيات والسواعد المفتولة، ويعتمد على اناس بدائيين في السياسة، وقلت ايضا مخاطبا الحضور اذا كنتم ستبقون هكذا فهذا امر غير ممكن، وثمة قوة جديدة هي الاتحاد العام للشغل، لا بد ان تحسبوا لها الف حساب، واذكر هنا ان بورقيبة نفسه قبل الاستقلال أي في سنة 1952 تشارك مع فرحات حشاد حتى تمضي امور الحزب في اطار التوافق مع الاتحاد العمالي. وفي عام 1978 سعى بورقيبة إلى ان نلقى الحل المشترك إلى اخر رمق، وجمعنا انا والهادي نويرة والحبيب عاشور وطلب منا ان نجد حلا، وفي نهاية المطاف تغلبت الجماعة المناوئة للاتحاد العمالي على هذا الاخير، ودخلت البلاد في المأزق، ووصلنا إلى احداث 26 يناير 1978.

* وماذا عن الان؟

ـ والان، لماذا تحدثت عن هذا كله، لان نفس الاسباب تعطي نفس النتائج، فهناك اوضاع سياسية واقتصادية واجتماعية معروفة، ومن غير شك ليس في نفس المستوى، لكن اذا لم يتم ايجاد حلول لها سيكون لها انعكاسات، وهذه المرة وصلنا إلى درجة لا تطاق من الازمة، اذ تراكمت الامور على امتداد عشرات السنين وخاصة في السنوات الـ 23 من حكم بن علي بطريقة حكمه وافلاس الدولة. قد يقول قائل انه تم انجاز طرقات ومدينتي الرياضة والثقافة ومصارف، كل هذه اشياء جيدة، بيد ان الشعب يظل فقيرا نظرا لعدم توزيع الثروة على اساس صحيح. فالناس بحاجة إلى الشغل. وهم عندما ثاروا لم يقوموا بذلك فقط مساندة لمنطقة سيدي بوزيد، وانما نظرا لكونهم يعانون من نفس المشاكل.

* اعود بك إلى 7 نوفمبر 1987 حينما سمعت بيان التحول هل كنت تعتقد ان بن علي سينتهي هكذا نهاية سيئة.

ـ نحن خرجنا جميعا، من مرحلة صعبة جدا هي اخر فترة حكم بورقيبة. وجاء بن علي وخرجت البلاد من النفق بسلام، واعتبرنا ان تونس ربما خرجت وقتها من ازمة لان حكم 30 سنة في غالب الاحيان في العديد من البلدان لا يتغير بدون مشاكل، ولما جاء بن علي إلى السلطة، كنت وقتها في باريس، واعلن البيان الصادر عنه، منح التونسيين جميع الحريات، وتداول السلطة، والافراج عن المعتقلين، ولا رئاسة مدى الحياة. وكنا نعرف انه كان وراءه سياسيون يوجهونه، ولكن لسوء الحظ لم يكن توجههم سليما. غير ان العماد الاساسي لبن علي عان هو الهادي البكوش، الذي كنا نعرف انه هو من كتب بيان 7 نوفمبر. وكنا نعتقد ان بن علي باعتباره عسكريا ومعه سياسيون، سيجعل الامور تمشي إلى الامام، وتوسمنا الخير ولكنني في قرارة نفسي كنت مرتبكا شديد الارتباك لانني اعرف الرجل واعرف ماضيه جيدا فقد كنت مديرا عاما للامن ووزيرا للداخلية، ومن الطبيعي أن أكون على بينة من امره وامر غيره غيره من المسؤولين، فبن علي كان انذاك مسؤولا عن الامن العسكري. بعد بيان 7 نوفمبر 1987 قضى بن علي 23 سنة في رئاسة الجمهورية، وجرى اول خرق سياسي واخلاقي للبيان في عام 1989 عند تنظيم الانتخابات التشريعية، انذاك جاء احمد المسيري، امين عام حزب الاشتراكيين الديمقراطيين المعارض عند بن علي وقال له انا اساندك لانك تحملت مسؤولية كبيرة واخرجت البلاد من ازمة، وانا ادعمك في الترشح لرئاسة الجمهورية، ولكنني اطلب منك ان تكون الانتخابات شفافة وبعد الانتخابات تبقى انت زين العابدين بن علي رئيسا لكل التونسيين، وليس رئيسا لحزب فقط، فوافق بن علي على ما قاله المسيري، بيد انه بعد مرور الانتخابات صدر بيان عن تركيبة الحزب الجديدة برئاسة بن علي، وقتها خرج المسيري من الساحة السياسية وابتعد عنها. وقال ان رئيس الدولة وعدني بشيء ولم يف به، وان الامور ستؤول بذلك إلى الحزب الواحد. كان هذا هو الخرق الاول، ثم بعد 3 سنوات لم يطرأ أي تغيير على المنظومة السياسية، وبدا الحزب ما زال موجودا لكنه على ذمة الامن، حيث اصبح اعوان الحزب رهن اشارة الامن، واصبح الجهاز المسؤول عن الامن هو المسؤول على كل شيء بما فيهم الولاة والحزب. ولهذا، خلال 23 سنة من حكم بن علي توسع النظام الامني (الشرطة)، دون الاعتماد على الجيش لانه كان يعرف ان الجيش لا يحبه. واعتمد على الامن على اساس الانظمة الموجودة في البلدان الشيوعية قبل سقوط جدار برلين، التي تعتمد الاستخبارات والاستعلامات بمعنى مراقبة الشعب، وكان يقول: انا اريد ان اعرف النملة حينما تتحرك إلى اين هي متجهة؟ ولذلك اقام امنا خاصا موازيا للامن العام، كانت عناصره تحظى بامتيازات اكثر بكثير 20 مرة من امتيازات عناصر الامن العام، ثم نظم مثل البلدان الشيوعية امنا رئاسيا خاصا. انا كنت مسؤولا عن الامن الرئاسي مدة 10 سنوات ولم يكن عندنا ما هو موجود اليوم على الاطلاق. فعدد عناصره بالآلاف، ومزودين بترسانة كبيرة من السلاح، وبعض عناصره خضع لتدريبات عند جهاز الموساد الاسرائيلي. وكان المشرف عليه هو الجنرال علي السرياطي، الذي لم يكن يقيم اعتبارا للداخلية والامن وللبلد ايضا، فهو كان الكل في الكل. وتبين ان عناصر الامن الخاص بعد الثورة خرجوا إلى الشارع وقتلوا الناس. ولهذا ما فعله بن علي خلال 23 سنة فيما يخص المنظومة السياسية والتحكم في البلاد، لا يوجد مثيلا له في تاريخ البلاد. ونظرا لذكائه الخارق كانت هذه الامور ليست معروفة وغير معلن عنها، بيد ان الناس كانوا يشعرون انهم مراقبين في في حياتهم اليومية، وان انفاسهم يتم احصاؤها، ذلك ان بن علي كان يعتقد انه من خلال هذا التضييق البوليسي لن يقع شيء في البلاد.

* نفهم من كلامك ان بن علي كان ضحية المنظومة الامنية التي صنعها. الا ترى ايضا انه كان ضحية نفسه وعائلته؟

ـ بن علي كان ضحية المنظومة الامنية التي صنعها، وضحية نفسه وعائلته ايضا ذلك انه سهل لها ظروف القيام بما قامت به دون حدود وبلهفة كبيرة. اذ لم يكن احد من المستثمرين الاجانب يستطيع القيام بمشروع في البلاد دون ان يمر عليهم.

* اذا، بن علي في نظرك اختار العائلة على الشعب؟ ـ اعتقد ان بن علي كان يحتقر الشعب. فهو عسكري، والعسكري دائما امامه عدو اما يراوغ به أو يقتله، فمثل هذه العقلية موجودة ولكن ليس لدى جميع العسكريين.

* خلال فترة رئاسة بن علي للدولة هل سبق لك ان التقيت به؟

ـ انا رأيته في مناسبتين أو ثلاث مناسبات. واود التذكير انني غادرت تونس عام 1985 بعد ان قامت مشاكل بيني وبين محمد مزالي، وقعدت هناك حتى عام 1990. وكان بن علي قد بعث لي مع السفير التونسي في باريس رسالة يطلب فيها مني ان اعود إلى البلاد. فالرئيس بن علي كان يعرفني جيدا، وانا كنت اعرفه جيدا بدون ان نعمل مع بعضنا، وبدون ان نلتقي، وبدون ان نتشاور لأنني لا اظن ان يقع حديث بيني وبينه نظرا لما نعرفه عن بعضنا البعض.

* في منتصف عقد السبعينات من القرن الماضي، عين زين العابدين بن علي ملحقا عسكريا في الرباط، ما اسباب ابعاده إلى هناك؟ ـ في عام 1974 كنت وزيرا للداخلية، وكنت حضرت في جربة برفقة الرئيس الحبيب بورقيبة للتوقيع على معاهدة الوحدة التونسية الليبية، وعشت موضوع الوحدة منذ بدايته، واذكر انني كنت ذات يوم مع بورقيبة حين تلقى مكالمة هاتفية من العقيد معمر القذافي طالب فيه بعقد اجتماع فوري لبحث قضية مهمة. والجديد بالنسبة لبن علي، هو ان اسمه ورد في حكومة الوحدة، والحقيقة ان بورقيبة نفسه غرر به لان الاتفاق بينه وبين القذافي كان على اساس قيام الوحدة واصدار بيان حولها، وفي اخر وقت اخرج القذافي، وهو على المنصة للتوقيع على البيان، ورقة من جيبه تتضمن حكومة الوحدة. انذاك قمت من الكرسي وتوجهت نحو الرئيس بورقيبة وسألته: سيدي الرئيس ما هي حكاية هذه الحكومة، فقال انني قلت للقذافي ان يكون العقيد الخويلدي الحامدي وزير للداخلية. ولا أظن ان الرئيس بورقيبة كان لديه الوقت لقراءة الوثيقة المتضمنة للحكومة التي تتكون من 40 اسما، لانه كان يعتبر الاساس هو اقامة الوحدة فقط. فبورقيبة كان متفقا على قيامها وقيام تكامل بين ليبيا وتونس ودافع على ذلك حتى اخر وقت. وبعد ذلك حصلت على قائمة الحكومة بطريقة مضحكة لانها كانت عبارة عن صورة مستنسخة لها. وتضمنت القائمة اسم بن علي كرئيس للامن العسكري للجيشين الليبي والتونسي. فهل يعقل ان يسلم القذافي الامن العسكري لجيشه لشخص لا يعرفه؟ وانا كوزير للداخلية لمت نفسي، ولمت الاخرين كيف لم نتمكن من استباق معرفة ما حصل، لقد كانت الامور سرية إلى اقصى درجة وعرفنا فيما بعد ان بن علي كانت لديه اتصالات قديمة بالقذافي عن طريق اخيه منصف الذي كان يعمل في طرابلس. انذاك، استدعاني الهادي نويرة، رئيس الوزراء إلى مكتبه، انا والهادي خفشه، وزير الدفاع، وطلب منا ان نفسر له اصل الحكاية، وكيف دخل اسم بن علي إلى قائمة حكومة الوحدة، فقال الهادي خفشه: انا وزير للدفاع ولكن بن علي هو الذي يتوفر على الاخبار السياسية للجيش بحكم موقعه كمدير للامن العسكري، لكن نويرة اعطانا مهلة حتى صباح اليوم الموالي لنأتي له بتقرير حول بن علي. وطلبت من مصالح الوزارة ان يبحثوا في الموضوع لكنهم ابلغوني انهم لا يتوفرون على معلومات بشأن علاقة بن علي بليبيا، الا انهم بامكانهم ان يزودوني بسيرته الفاسدة، وبالفعل وجدت ملفه افسد ما يوجد في الدنيا، لاسيما فيما يتعلق بحياته الخاصة. وانا نفسي لم اكن لأتصور ذلك عنه لو لم يحدث ما حدث، وطلبت من المصالح ان يعطوني ملخصا عن ملف بن علي، وحملته إلى نويرة في صباح اليوم التالي، وقلت له انني لم اجد عنه أي شيء بخصوص علاقاته مع ليبيا، وانا سأعطيك تقريرا عن ملفه. فرد بانزعاج: ليس هذا ما اريده. اريد فقط معرفة علاقته بالقذافي. وتوجه بالسؤال إلى وزير الدفاع قائلا ما هي معطياتك؟ فقال لم اجد شيئا عنه. لقد سألت الجنرالات، وقالوا انهم لا يعرفون شيئا عن ذلك، وسأل بن علي نفسه ونفى وجود علاقة له بليبيا. فتساءل نويرة ما هو الحل؟ وعبر عن استيائه من وقوع مثل هذه الاشياء دون علم الداخلية والدفاع. وطال الحديث حول الموضوع، واخيرا قام وزير الدفاع وقال انه سيزيل البدلة العسكرية من بن علي، على اساس ان ألحقه انا بوزارة الداخلية، وهناك ربما نستطيع ان نستخرج منه شيئا عن اتصالاته الليبية. انذاك جاءتني فكرة اخراجه إلى الجيش وارساله في مهمة إلى الخارج، ونقوم نحن في الداخلية بمتابعة البحث حوله والتدقيق فيه، واذا ثبت عليه شيء نرجعه إلى البلاد. فصاح نويرة: هذا غير معقول. فقلت له اذا جاء إلى الداخلية فأنا لا اتوفر على معطيات تمكنني من محاسبته، واقترحت من منطلق انساني ان يذهب بن علي إلى المغرب كملحق عسكري في سفارة تونس. فاقتنع نويرة بذلك.

لما خرجت انا من وزارة الداخلية في24 ديسمبر (كانون الاول) 1977 لانني كنت ضد المواجهة مع الاتحاد العام للشغل، وضد اطلاق النار، وكان الهدف هو ضرب الاتحاد العمالي، وفي نفس اليوم الذي ازحت فيه قام عبد الله فرحات الذي كان وزيرا للدفاع ووزيرا للداخلية بالنيابة لمدة قصيرة، بتنصيب بن علي مديرا عاما للامن الوطني وبعد شهر أي في 26 يناير 1978، قاد المواجهة مع الاتحاد العمالي واعتقل قياداته يوم 25 يناير، ونزل الشعب إلى الشارع، وقمعه بن علي، وكان عدد الضحايا كبيرا، وبعد مرور ثلاث سنوات، وكان بن علي ما زال مديرا للامن الوطني صارت حادثة قفصة، واود ان اشير إلى ان منفذي الاحداث قدموا من ليبيا والجزائر واقاموا قرابة شهرعلى مقربة من مقر محافظة قفصة بنحو 200 متر، ويتم يوميا تزويدهم بالطعام دون ان يلاحظ الامن ذلك، إلى ان صار ما صار.

* هل تعتقد ان بن علي كان متواطئا مع الليبيين في احداث قفصة؟

ـ لا اعتقد انه كان متواطئا في ذلك. بيد انه لو كانت العملية نجحت اكيد كان سيطرح التساؤل حول ماذا كان سيكون موقف بن علي منها؟ وبعد احداث قفصة قرر بورقيبة ان يبعده خارج البلاد، وعينه سفيرا في بولندا. وهناك تعلم ما قام بتطبيقه هنا على المستوى الامني حينما اصبح رئيسا للجمهورية..

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La leçon tunisienne

La chute du président Ben Ali, à la suite d'un mouvement de contestation surprise, nous amène à repenser la question de la stabilité et du devenir des régimes politiques en Afrique du Nord et à nous pencher sur le cas du paradoxe tunisien : comment une société éduquée, employée dans une économie diversifiée, composée d'une classe moyenne, peut-elle cohabiter avec un régime policier aussi brutal que corrompu ? Les multiples techniques élaborées par le régime tunisien pour mettre sous contrôle les ressources politiques et économiques de ce pays constituent une partie de la réponse.

Mais pourquoi les émeutes déclenchées à la suite de l'immolation de Mohamed Bouazizi ont-elles pu provoquer un emballement national et la chute de Ben Ali ? Les spécialistes de la Tunisie soulignent la densité des réseaux sociaux virtuels et informels qui ont permis la politisation des premières demandes sociales exprimées dans les petites villes ; le travail des intellectuels dans la prise en charge des griefs et des doléances, leur traduction en langage politique, leur déploiement dans un espace géographique symbolique comme la capitale et la fabrique d'une victime expiatoire dans la figure du clan des Trabelsi.

La capacité de faire converger en un temps record, soit moins d'un mois, des revendications socio-économiques avec des revendications politiques représente aussi pour l'opposition tunisienne une prouesse incroyable, qui a permis à la révolte de déboucher sur une issue politique et non de finir en une énième émeute de la faim, comme celles qui se déroulaient au même moment en Algérie, inhérentes à la flambée des prix du blé. Oui, mais le succès du soulèvement tient à une condition, dont il est peu pensable qu'elle se reproduise dans les autres régimes : le refus de l'armée de tirer sur les manifestants.

La révolution tunisienne remet en question plusieurs préjugés, à commencer par celui de la menace islamiste : depuis deux décennies, la région est analysée au prisme de la menace que ces mouvements font peser sur la stabilité des régimes. La privation des libertés politiques et la répression des opposants étaient ainsi "justifiées" par le risque d'une intrusion islamiste dans les institutions politiques. La peur de voir les régimes post-coloniaux instaurer des Etats islamiques gouvernait alliance et tolérance des démocraties envers les régimes autoritaires de la région.

Reprenant à son compte cette inquiétude, l'Union européenne a davantage cherché à promouvoir la stabilité et la sécurité que le respect des droits humains et l'instauration d'un régime démocratique, dans le cadre de ses différents accords avec les pays de la région. Sa condescendance à établir un dialogue avec la société civile est d'ailleurs révélatrice de sa préférence à oeuvrer au développement politique par le seul biais des dirigeants politiques, pourtant rarement élus démocratiquement.

Pour avoir ignoré les évolutions sociales et considéré avec trop de sérieux les thèses sur la menace islamiste, l'UE découvre qu'une société civile, dynamique et courageuse, prend le risque de défier un régime considéré comme solide, dans la perspective d'instaurer, non pas un Etat islamique, mais un régime démocratique ! La révolution tunisienne inflige un démenti à l'obsession sécuritaire ; mais gageons que ceux qui, avant le 14 janvier, considéraient qu'il ne peut y avoir de contestation si ce n'est islamiste, affirmeront que la Tunisie est une exception dans la région...

Le deuxième enseignement de la leçon tunisienne porte sur l'armée. Le refus d'ordonner à ses troupes de tirer sur les manifestants a fait du général Ammar, chef d'état-major de l'armée de terre, un acteur-clé de la transition politique. Il a démontré non seulement la faiblesse du régime policier tunisien incapable de venir à bout d'un soulèvement populaire, mais, surtout, que l'armée s'est transformée en acteur majeur dans l'évolution du régime, démontrant les limites d'une domination fondée sur la peur. Seule une politique de terreur aurait pu mettre un terme à la montée de la contestation, à l'instar de celle menée par l'armée algérienne entre 1991 et 1995.

Heureusement pour la Tunisie, son armée a refusé d'endosser le rôle de "nettoyeur" qui aurait sans doute, provisoirement, sauvé Ben Ali. Comment l'expliquer ? D'abord par sa marginalisation dans le système politique : l'armée tunisienne, comme l'armée libyenne, est écartée du pouvoir et des avantages qu'il procure, au profit de forces paramilitaires, composées de groupes d'individus inféodés à la personne du chef de l'Etat.

Aussi l'armée tunisienne tient-elle le destin de l'évolution politique : elle peut soit se contenter de la restauration d'un "Etat RCD bis" assagi, promoteur d'un pluralisme de façade ; soit jouer un rôle historique de passeur, en sécurisant les transactions autour de l'instauration d'un régime démocratique. Dans le premier cas, la Tunisie ne ferait que rejoindre les standards politiques de la région, dans le second, elle basculerait dans les expériences latino-américaines de transition démocratique.

L'expérience tunisienne est-elle susceptible de générer un phénomène de contagion dans la région ? Les sociétés civiles de la région sont dynamiques et ne se résument pas à la seule alternative islamiste. Leurs armées, en revanche, sont intégrées dans les rouages de l'Etat et tirent profit, soit de la rente des hydrocarbures en Algérie, soit de la rente de l'occupation du Sahara occidental au Maroc, soit de la croissance économique en Egypte. Aussi semble-t-il peu vraisemblable qu'elles se retournent contre leurs chefs d'Etat. Seule l'armée libyenne pourrait ressentir et comprendre le choix de l'armée tunisienne : marginalisée et placée sous le contrôle des forces paramilitaires, l'armée libyenne pourrait faire défection en cas de besoin.

Reste que les conditions socio-économiques qui ont favorisé le soulèvement en Tunisie ne sont pas présentes en Libye et que les forces paramilitaires libyennes n'hésiteraient pas, quant à elles, à faire usage de la force pour restaurer l'ordre ; assurées de bénéficier de l'indifférence de la communauté internationale et de la garantie que ses avoirs en dollars (100 milliards en 2010) permettraient de surmonter une campagne internationale de dénonciation de l'usage de la terreur.

Hélas, si la leçon tunisienne nourrit la réflexion sur le devenir des régimes de la région, le sort de Ben Ali procure des enseignements aux autocrates régionaux : il est probable que beaucoup prennent les devants en s'assurant de la loyauté des militaires, en s'informant sur le prix du blé, en augmentant le salaire des policiers, et surtout en prêtant une attention plus sérieuse aux revendications des chômeurs.


Il est également directeur du Centre d'études et de recherche sur l'Afrique et la Méditerranée (Ceram) à Rabat. Luis Martinez, directeur de recherche au CERI-Sciences Po.
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Opposition tunisienne : les forces en présence


Ahmed Ibrahim (à gauche) et Mustapha Ben Jaâfar, deux membres de l'opposition légale, tolérée sous Ben Ali.
Ahmed Ibrahim (à gauche) et Mustapha Ben Jaâfar, deux membres de l'opposition légale, tolérée sous Ben Ali. Crédits photo : FETHI BELAID/AFP

FOCUS - Après la fuite de Ben Ali, le chef du nouveau gouvernement d'union nationale a annoncé la légalisation de tous les partis. Opposition légale, partis interdits,.

L'opposition légale (tolérée sous Ben Ali) :

Nejib Chebbi.
Nejib Chebbi. Crédits photo : FETHI BELAID/AFP

Parti démocratique progressiste - Le PDP est le plus grand parti de ce qui constituait l'opposition légale. Son fondateur, l'avocat Nejib Chebbi, a été nommé ministre du Développement régional du gouvernement d'union nationale annoncé le 17 janvier. Parmi ceux demeurés en Tunisie, il était le plus connu des opposants au régime de Ben Ali. Après avoir dirigé le PDP depuis les années 1980 jusqu'à 2006, il n'a pu se présenter à l'élection présidentielle de 2009, car n'étant plus le chef d'un parti. Najib Chebbi était fréquemment la cible des forces de sécurité tunisiennes et des médias pro-gouvernementaux. Aujourd'hui dirigé par une femme, Maya Jribi, le parti a été attaqué pour son manque de fermeté car il ne réclamait pas le départ de Ben Ali.

Ettajdid (Renouveau en arabe) - Développant une ligne politique de centre gauche, le parti anciennement communiste, a vu ses membres régulièrement harcelés par les autorités sous l'ère Ben Ali. Son secrétaire général, Ahmed Ibrahim, est le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur du gouvernement d'union nationale mais menace déjà de démissionner. Il a été candidat à la présidentielle de 2009.

Forum démocratique pour le travail et les libertés - Le FDTL, parti de gauche, rassemble notamment des intellectuels, des membres de la classe moyenne et des activistes des droits de l'homme. Il milite pour la démocratie depuis sa création en 1994, réclamant des élections libres, la libération des prisonniers politiques, une séparation entre le parti au pouvoir et le gouvernement ainsi que la liberté pour le peuple tunisien. Légalisé en 2002, le FDTL est dirigé par Mustapha Ben Jaâfar, nommé ministre de la Santé du gouvernement d'union nationale avant de démissionner. Il s'agit d'un vieil opposant et d'une personnalité respectée de la vie politique, plusieurs fois candidat à la présidentielle. On ne sait pas en revanche de quelle popularité il dispose dans l'opinion publique tunisienne.

Parmi les autres partis autorisés, on compte notamment le Mouvement des démocrates socialistes (MDS) d'Ismaïl Boulahya, le Parti de l'unité populaire (PUP) de Mohamed Bouchiha, le Parti social libéral (PSL) et le Parti des verts pour le progrès. Leurs critiques du régime déchu ont été plus que discrètes. L'Union démocratique unioniste (UDU) est le seul parti de l'opposition de façade qui a pris ses distances pendant la crise du régime.

Union générale des travailleurs tunisiens L'UGTT est une puissante centrale syndicale, la seule du pays, qui a joué un grand rôle dans la révolution du Jasmin. Elle a soutenu le mouvement et appelé à des «réformes politiques fondées sur la promotion de la démocratie et la consolidation des libertés». Mais pendant le règne de Ben Ali, la direction de l'UGTT a souvent affiché une attitude relativement conciliante à l'égard du pouvoir. Trois personnalités de ce syndicat ont brièvement intégré le gouvernement d'union nationale avant de le quitter le lendemain sur demande de l'organisation.

L'opposition interdite sous Ben Ali :

Rached Ghannouchi (photo prise en 2000).
Rached Ghannouchi (photo prise en 2000). Crédits photo : ODD ANDERSEN/AFP

Ennahda (Renaissance en arabe) - Interdit jusqu'à la récente annonce de la légalisation des partis politiques, le mouvement des islamistes tunisiens est dirigé depuis son exil londonien par Rached Ghannouchi, un homonyme du premier ministre n'ayant aucun lien de parenté avec celui-ci. Ghannouchi a quitté la Tunisie il y a 23 ans mais se dit désormais prêt à revenir au pays. Son parti a été interdit au début des années 1990, accusé de menacer le régime. 25.000 de ses militants ont alors été incarcérés, d'autres quittant le pays. Aucun des membres d'Ennahda ne figure dans le gouvernement d'union nationale annoncé le 17 janvier. Le mouvement ne compte pas présenter de candidat à la présidentielle mais entend participer aux législatives. Au contraire de certains de ses voisins arabes, l'influence des islamistes en Tunisie est jugée moindre. Ghannouchi estime l'Islam compatible avec un régime démocratique multipartite et prône le dialogue avec l'Occident.

Moncef Marzouki.
Moncef Marzouki. Crédits photo : BORIS HORVAT/AFP

Congrès pour la République - Le CPR est dirigé par l'opposant historique Moncef Marzouki. Ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme et co-fondateur du Conseil des libertés en Tunisie (CNLT, non reconnu), Marzouki est condamné en 2000 à un an de prison. En 2001, il créé le Congrès pour la République puis quitte son pays pour la France où il vit dès lors en exil. Son parti est interdit en 2002. Marzouki a par le passé eu des liens avec les islamistes mais le CPR se définit comme une organisation laïque, militant pour les droits de l'homme, l'indépendance de la justice et l'organisation d'élections libres. Moncef Marzouki s'est déclaré candidat à la future présidentielle.

Parti communiste des ouvriers de Tunisie - Le PCOT est une petite formation d'extrême gauche dont les activités sont interdites dans le pays, où elle comptait autrefois des nombreux partisans à l'université. Le parti défend un régime parlementaire. Il est dirigé par Hamma Hammami qui, recherché par la police, vivait dans la clandestinité jusqu'à récemment. Il a d'ailleurs été incarcéré plusieurs heures durant la révolution du Jasmin. Le PCOT a annoncé qu'il ne présenterait pas de candidat à la présidentielle.

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Les autres opposants :

Yadh Ben Achour, chargé de la réforme politique au sein du gouvernement d'union nationale, est un intellectuel ayant toujours gardé sa liberté d'esprit.

Slim Amamou, emprisonné pendant la «révolution du Jasmin», est un cyberdissident très actif. Il entre au gouvernement d'union nationale comme secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports.

Mokhtar Trifi, chef de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), n'était pas reconnu par le pouvoir de Ben Ali.

Par Jérôme Bouin

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RÉVOLTES EN TUNISIE ET EGYPTE, INCERTITUDES AILLEURS AU MOYEN-ORIENT

L’Europe hésitante face aux turbulences dans les pays arabes

L’Union européenne va tenter aujourd’hui de tourner la page Ben Ali en Tunisie en gelant les avoirs du clan du président déchu, mais reste hésitante sur l’attitude à adopter face à la vague de protestations déclenchée par la révolution tunisienne dans le monde arabe, en Egypte surtout. Réunis aujourd’hui à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères européens vont adopter une décision de principe en vue de confisquer les biens du clan Ben Ali, en consultation avec le nouveau gouvernement de transition tunisien, selon plusieurs sources diplomatiques. Critiquée pour avoir tardé à réagir à la révolte partie le 17 décembre de Sidi Bouzid, dans le centre de la Tunisie, avec l’immolation par le feu d’un jeune homme qui a fait chuter un mois plus tard le régime de Zine El Abidine Ben Ali, l’UE tente désormais de rattraper au vol le train de l’Histoire. Après avoir laissé le sous-secrétaire d’Etat américain Jeffrey Feltman lui griller la vedette à Tunis, la semaine dernière, quelques jours avant qu’elle n’y dépêche, à son tour un haut fonctionnaire européen, l’UE a invité le nouveau ministre tunisien des Affaires étrangères. Il est attendu demain à Bruxelles pour ce qui devrait être sa première grande visite à l’étranger. La dirigeante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, compte lui réitérer une promesse de soutien pour préparer des élections et pour reprendre les négociations en vue d’accorder à son pays des préférences commerciales, notamment dans le cadre d’un «statut avancé» dont bénéficie déjà le Maroc.
Mais alors que l’Europe comptait initialement centrer sa réunion aujourd’hui sur la Tunisie, l’urgence est à présent en Egypte, où le régime du président Hosni Moubarak vacille sous la pression de la rue, après s’être appuyé pendant près de 30 ans sur un redoutable appareil policier.
Des tentatives d’immolation par le feu ont été signalées au Maroc ou en Algérie et des milliers de manifestants prennent l’exemple tunisien pour modèle en réclamant le départ de leurs dirigeants en Algérie ou au Yémen. Franco Frattini, le ministre italien des Affaires étrangères, compte proposer aujourd’hui à ses collègues «la constitution d’une délégation européenne de haut niveau» pour des missions «dans chacun des pays concernés par des désordres».
Pour Alvaro de Vasconcelos, directeur de l’Institut d’études de sécurité de l’UE, cette dernière doit «radicalement changer sa politique de soutien au statu quo au sud de la Méditerranée», alors qu’elle a trop longtemps coopéré avec des régimes considérés comme des remparts contre l’islamisme.
«C’est un vrai sujet», concède un haut responsable de l’UE, sous couvert de l’anonymat, mais la question nécessite «une réflexion préalable, un peu de préparation».
«Attention aux généralisations», prévient-il aussi: «La Tunisie est un pays bien particulier», différent des autres, «nous devons tenir compte du contexte national dans chacun des pays» concernés.

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http://www.lexpressiondz.com

dimanche 30 janvier 2011

La fierté des Tunisiens devant leurs émules d'Egypte

Des Tunisiens accueillent Rached Ghannouch, à l'aéroport de Tunis-Carthage le 30 janvier 2011
Des Tunisiens accueillent Rached Ghannouch, à l'aéroport de Tunis-Carthage le 30 janvier 2011
Des Tunisiens accueillent Rached Ghannouch, à l'aéroport de Tunis-Carthage le 30 janvier 2011 Fethi Belaid AFP

Dans l'esprit des Tunisiens, pas de doute: leur révolution a inspiré et servi d'exemple au soulèvement en cours des Egyptiens qui descendent massivement dans la rue pour faire partir le président Hosni Moubarak.

"On a prédit que la +Révolution du jasmin+ répandrait son parfum sur son voisinage. C'est chose faite et il semble que ses effluves aient atteint l'Egypte", écrit dimanche l'éditorialiste du journal Le Quotidien.

Aux terrasses des cafés de l'Avenue Bourguiba, on ne parle que de ça. "Après la Tunisie, c'est l'Egypte, mère de toutes les nations, qui s'y met", relève un intellectuel, enchanté par les similitudes entre la révolution tunisienne et le soulèvement égyptien.

"On a l'impression de vivre le même scénario: le peuple est dans la rue, les postes de police et les permanences du parti au pouvoir sont attaqués par la foule et le président intervient à la télévision", relève Dhafer Naji, en sirotant son café, les éditions dominicales de la presse sur la table.

Comme le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali, Hosni Moubarak s'est adressé aux Egyptiens. Le premier avait promis de ne pas se représenter et limogé son ministre de l'Intérieur, le second a désigné un vice-président et renvoyé tout son gouvernement.

"Zine El Abidine a parlé à trois reprises à la télévision, d'abord en menaçant de réprimer d'une main de fer les manifestants tout en lachant quelques concessions. Il a ensuite promis 300.000 emplois aux jeunes, puis des réformes politiques et a dit enfin avoir compris les Tunisiens... avant de prendre la fuite", rappelle-t-il.

"Je pense que Moubarak est dans la première phase, celle du déni mais qu'il va finir par craquer comme l'a fait son camarade Ben Ali", prédit M. Naji.

Samedi dans les rues de Tunis, des jeunes ont défilé derrière les drapeaux tunisien et égyptien en signe de solidarité avec le soulèvement égyptien. D'autres, dont plusieurs ressortissants de pays arabes, ont manifesté avec les drapeaux des deux pays devant l'ambassade d'Egypte.

Le drapeau tunisien est visible dans les marchés en Egypte ainsi que des pancartes avec le slogan "Moubarak dégage", visiblement inspiré du "RCD dégage" des manifestants tunisiens qui demandaient la dissolution du parti honni de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique.

Un spot de la télévision privée tunisienne Nesma, diffusé par intermittence, fait l'analogie entre la Tunisie et l'Egypte grâce à un montage vidéo de scènes de soulèvement dans la rue et, plus parlant encore, d'extraits alternés tel un copié-collé des discours de crise de Ben Ali et de Moubarak: même décor solennel, mêmes expressions graves, mêmes gestes.

"Ce n'est pas étonnant que les autorités égyptiennes aient coupé internet en pensant ainsi limiter les échanges sur les réseaux sociaux qui ont aidé les Tunisiens à organiser leurs protestations", relève Chedli Chebli, un ancien producteur de musique et de théâtre.

"Ce qui s'est passé en Tunisie est une +cyber révolution+ animée par les jeunes dans un climat mondialisé où les limites n'existent plus", note Mohamed Habib Azizi, professeur d'histoire de l'université de Tunis, en disant douter de l'efficacité des restrictions égyptiennes sur les communications.

Selon lui, c'est le régime libyen qui craint le plus, dans le voisinage immédiat de la Tunisie, une "contamination révolutionnaire".

"Les dirigeants libyens ont peur de la modernité politique qui souffle sur la Tunisie. Ils craignent une contagion d'autant plus que la Tunisie accueille cinq millions de visiteurs Libyens par an", souligne M. Azizi.

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http://www.ladepeche.fr

L’Afrique du Nord inquiète

Après 23 ans ...

La chute de Ben Ali inquiète les autres dirigeants maghrébins. AFP

La chute de Ben Ali inquiète les autres dirigeants maghrébins. AFP

Les travaux de l’Union africaine accorderont une large place à la situation politique qui agite tout le nord du continent.

La contagion tunisienne, qui vient de s’étendre à l’Égypte et, dans une moindre mesure, à l’Algérie, au Maroc et à la Mauritanie, risque de déstabiliser quelques-uns des pays les plus riches du continent.

Au regard de la situation qui prévaut dans de très nombreux pays d’Afrique, les Africains du Nord étaient considérés comme favorisés en matière économique ou d’éducation. Cette image est brouillée.

L’échec économique de l’Afrique du Nord

Les revendications, entendues depuis plusieurs semaines des rues de Tunis à celles d’Alger ou du Caire, mettent à mal l’image de ces régimes. Les émeutiers ont mis le doigt sur l’absence de démocratie, ainsi que sur la pauvreté qui sévit au Maghreb comme au pays des pharaons.

Cette révolte sociale est née de l’échec économique des pays nord-africains. C’est le constat dressé vendredi par La Tribune. Le quotidien économique démontre « comment les pays arabes ont gâché leur croissance ». Chômage, corruption, immense fossé entre riches et pauvres sont autant de preuves de l’échec de ces pays incapables d’offrir des perspectives d’avenir à leur jeunesse, touchée par des taux de chômage explosifs (21,5 % en Algérie, 17,6 % au Maroc, 16,7 % en Égypte, selon les chiffres officiels).

Ces mouvements internes mettent aussi à mal l’image historique des pays africains du nord. Le Maroc et la Tunisie avaient ouvert la voie aux indépendances africaines. L’Algérie indépendante tenait le haut du pavé des révolutions africaines. De vaines promesses en échecs économiques, les « phares » du tiers-monde se sont éteints.

Le temps des enveloppes est révolu

Désormais, l’Algérie, la Mauritanie ou le Maroc sont plus connus comme des terres de transit pour les clandestins attirés par l’Europe. Le temps des leçons et des enveloppes en pétrodollars est terminé. L’Afrique du Nord n’a plus l’envie, ni les moyens, de jouer les bienfaitrices du continent.

Le sort du président tunisien Ben Ali a de quoi inquiéter bien des chefs d’État africains qui ont vieilli, accrochés à leur pouvoir. La contestation de la jeunesse pourrait fort bien traverser le Sahara pour s’étendre aux pays du sud, déjà affaiblis par leurs difficultés économiques ou leurs luttes internes.

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http://www.lalsace.fr

samedi 29 janvier 2011

Les nouvelles technologies déstabilisent le monde arabe

Le virtuel déborde la réalité !


image

Par Samir Azzoug

Avec les derniers événements populaires dans certains pays arabes, Internet n’aura jamais aussi bien porté son qualificatif de «révolution». Ainsi, après plus d’un demi-siècle de la généralisation des trois W, se sont «les parents pauvres» de la Toile qui en subissent les plus spectaculaires effets. «Ceux qui en parlent le moins, en font le plus», dit l’adage. Ces pays ne représentent que 5% des utilisateurs d’Internet, contre 41% pour les Asiatiques, 28% pour les Européens et 18% aux Etats-Unis. Comme tout outil, la fréquence de son utilisation n’a d’importance qu’à l’égard du résultat de sa manipulation et de la finalité de sa fonction. A chacun sa raison de manier le clavier. Si, dans d’autres contrées, les internautes s’évertuent à chiner les bonnes affaires et de meilleures situations socioprofessionnelles, les «arabnautes» préfèrent de loin les réseaux sociaux de rencontres et d’échanges. Ils trouvent ainsi leur bonheur dans les inventions de Mark Zuckerber, co-créateur de Facebook (2004) et de Jack Dorsey, créateur de Twitter (2006).
La fermeture des canaux traditionnels de communication par les régimes arabes, muselant ainsi la libre expression et les échanges d’opinions, a créé une soif de partage qui a trouvé son épanchement dans ces réseaux difficilement maîtrisables. Les vents de révolte qui ont secoué la Tunisie d’abord, l’Egypte et le Yémen ensuite, et d’autres pays du même «monde» et du même mode de gouvernance très probablement, sont imputés par beaucoup d’observateurs, au-delà de l’aspect politique, à la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Sur le Net, un univers virtuel, on est anonyme, juste une adresse IP. A partir de là, plus de peur et plus d’inhibitions. Tous les profils sont finalement des opinions. D’ailleurs, ce qui est remarquable dans les événements précédemment cités, c’est que les observateurs ont du mal à situer les leaders de ces mouvements de foule. Des mots d’ordre peuvent ainsi être donnés et suivis sans que quiconque arrive à déceler l’origine exacte de l’appel. Des collectifs, des pages, des blogs et des sites se font et se défont sans qu’on en comprenne parfois les contours. Pour enrevenir aux «arabnautes», les sites de classement des habitudes de connexion, comme alexa.com, font ressortir que les réseaux sociaux occupent toujours le premier plan en termes de visites. Quel que soit le pays arabe, des sites, tels Facebook (FB), Twitter, blogger, MSN, Netlog ou YouTube occupent les premiers rangs. Selon une étude réalisée par Spot On, agence de relations publiques basée à Dubai, il y aurait plus de 15 millions d’abonnés à Facebook dans la région du Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Il y aurait ainsi plus d’abonnés à FB que de lecteurs de journaux (tirage quotidien de 14 millions, tous pays confondus). Mais y a-t-il réellement une corrélation directe entre l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux et les révoltes populaires qui secouent actuellement le monde arabe ? Une telle affirmation serait trop réductrice. Mais dans le cas où l’hypothèse se tiendrait, par les statistiques rendues publiques par le site Internetworldstat sur les utilisateurs d’Internet dans le monde, il conviendrait de conclure qu’après la Tunisie (34%) et l’Egypte (21%), la vague de protestation toucherait donc et par un raisonnement simpliste le Maroc (33%), puis l’Algérie (13,6%) loin devant la Libye (5,5%). Sauf s’il y a autre chose que le Net.

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http://www.latribune-online.com

Après la Tunisie : Internet sert-il à faire la révolution ?

Dessin de Baudry

Au moment où le débat fait rage sur l'importance réelle des réseaux sociaux et d'Internet dans la révolution tunisienne, Paris accueille un homme qui plaide à contre-courant : Evgueny Morozov, un exilé biélorusse aux Etats-Unis, qui vient de publier un livre au titre dégrisant : « The Net delusion » (l'illusion du Net).

Morozov dénonce la « cyberutopie » qui draperait la technologie de vertus émancipatrices intrinsèques, mais prend surtout pour cible le soutien officiel des Etats-Unis à des blogueurs ou à des initiatives technologiques en direction des pays qui figurent dans le collimateur de Washington : l'Iran, la Chine, le Venezuela…

Une « ingérence numérique » aux relents de guerre froide, dit-il, qui aurait succédé, en quelque sorte, à l'ingérence de George Bush avec des tanks et des G.I.

Pas de trace de cela en Tunisie. Sans doute, ironise Morozov qui refuse de voir dans la révolution tunisienne un démenti, ou au moins un bémol à ses thèses, parce que les Etats-Unis n'avaient aucune envie de renverser le régime pro-occidental de Ben Ali.

Pas de « révolution 2.0 » mais un effet Facebook

Revenons d'abord sur les événements de Tunisie. L'expression « révolution 2.0 » est assurément un abus de

langage : le geste de Mohamed Bouazizi, l'homme qui s'est immolé à Sidi Bouzid, déclenchant le processus qui a abouti un mois plus tard à la fuite du dictateur tunisien, n'a évidemment pas été déclenché par Internet, mais par sa propre exaspération face à l'arbitraire dont il avait été victime.

Mais là où cet événement aurait pu rester localisé et ignoré, il a circulé et a mis le feu à la Tunisie. Et le vecteur de la circulation de l'info fut Internet ou, pour être plus précis, Facebook, qui, avec 2 millions de comptes en Tunisie, était devenue la seule plateforme d'échange d'informations non censurée du pays, alors que YouTube ou Twitter étaient devenus inaccessibles.

Facebook, expliquait vendredi un invité tunisien de France Culture, était devenu un « territoire libéré » pour les jeunes Tunisiens urbains, un pays virtuel où se disait et se montrait tout ce qui pouvait déplaire au régime de Ben Ali.

Lorsque les premières images de manifestations et de répression ont commencé à circuler, elles ont trouvé sur Facebook le vecteur idéal. Particulièrement lorsque sont apparues les vidéos tournées à l'hôpital de Kasserine, la ville qui a connu le plus de victimes, avec des corps atteints par balles à la tête, et la panique dans l'établissement débordé par l'afflux de victimes.

Ces images ont sans doute représenté le point de non-retour pour cette crise sociale devenue révolution politique, et c'est incontestablement l'effet Facebook.

Une fois ce constat établi, Morozov a beau jeu de dire que si l'armée n'avait pas refusé de tirer sur la foule, Ben Ali aurait peut-être pu retourner la situation à son avantage, et aurait lancé une vague de répression contre tous ceux qui s'étaient affichés en faveur de cette révolution sur Facebook, Twitter et autres plateformes web. Avec des si…

Pas de « nouveau Rwanda » grâce à Twitter ?

Car Evgueny Morozov ne craint pas de dénoncer tous ceux qui, depuis les évènements d'Iran il y a deux ans, lors de la réélection d'Ahmadinejad, en passant par la Biélorussie et la Chine, misent sur Internet et les réseaux sociaux pour répandre les idées libertaires et saper les régimes autoritaires ou dictatoriaux.

Avec un florilège de déclarations outrancières, dont celle de Gordon Brown, l'ancien premier ministre britannique, que nous avions relevée en son temps, estimant qu'à l'heure d'Internet, il ne pouvait pas y avoir de « nouveau Rwanda ».

Dans son livre, récemment paru aux

Etats-Unis, il parle de « cyberutopie », qui est

« […] la croyance naïve dans la nature émancipatrice de la communication en ligne, qui repose sur un refus obstiné de prendre en considération ses aspects négatifs ».

Il considère pour sa part que les dissidents et autres activistes qui utilisent le Web dans ces pays soumis à des régimes policiers se mettent en danger car ils laissent derrière eux une trace qui rend leur surveillance et leur éventuelle capture plus aisées.

Vendredi soir, lors d'une rencontre organisée par nos amis d'Owni à La Cantine, un lieu dédié au numérique à Paris, Morozov n'a pas hésité à dire que la leçon que devraient tirer les régimes arabes autoritaires qui craignent aujourd'hui la contagion tunisienne, serait de lever toute censure sur Facebook et de laisser leurs détracteurs sortir du bois. Avant de leur tomber dessus à la première occasion !

Le soutien au cyberactivisme, un « baiser de la mort »

Un brin cynique vis-à-vis de ceux qui s'enthousiasment sur la révolution internet en Tunisie, Evgueni Mozorov est plus convaincant quand il dénonce l'approche idéologique du département d'Etat américain, incarné par le grand discours d'Hillary Clinton il y a tout juste un an, sur la nouvelle frontière de la liberté que représente Internet, et sur le « baiser de la mort » que peut représenter le soutien actif de Washington aux blogueurs issus des pays autoritaires.

Il n'est pas le seul à le penser. Samy Ben Gharbia, un cyberactiviste tunisien exilé en Europe, a récemment publié un long texte, disponible en français sur Owni.fr, dans lequel il déclare d'entrée de jeu :

« Ce document part donc de l'hypothèse que l'engagement privé – des entreprises – et public – de l'administration – US dans le mouvement pour la liberté sur la Toile est dangereux pour cette même liberté. J'éclairerai les raisons pour lesquelles je considère ce nouveau contexte comme étant extrêmement dangereux pour le mouvement des cyberactivistes de base. »

Il convient toutefois de distinguer les engagements politiques, effectivement à double tranchant, des gouvernements occidentaux, Etats-Unis en tête, dans une nouvelle croisade libertaire à manier avec précaution, et l'usage que font les citoyens dans tous les pays concernés de ces technologiques.

Ainsi, vendredi, lors d'un séminaire du Ceri de Sciences-Po sur Internet et diplomatie, la représentante américaine du bureau Internet du département d'Etat, Michele Markoff, a fait un véritable discours de guerre froide face aux menaces russe et chinoise, appelant à une coordination entre pays « amis » au sein de … l'Otan.

Laissant pantois les diplomates, comme la représentante britannique, qui venaient de parler avec enthousiasme de ses ambassadeurs blogueurs et de ses innombrables followers sur les comptes Twitter du Foreign office !

Cyberguerre, cyberpropagande, cyberpolice, vont évidemment de pair, sur les mêmes technologies, avec le simple geste d'un jeune Tunisien qui « poste » la vidéo d'une manif contre Ben Ali.

Mais Evgueni Mozorov va sans doute vite en besogne quand il rejette l'un comme l'autre au nom d'un principe de précaution politique qui, dans le cas de la Tunisie, aurait sans doute privé le geste de Mohamed Bouazizi du retentissement qui, au bout du compte, lui a donné toute sa portée et en a fait l'acte fondateur d'une véritable révolution.

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http://www.rue89.com

Tunisie/Égypte : des comparaisons non fondées ?

Ni le gouvernement égyptien ni l’opinion égyptienne ne semblent manifester de réactions exagérées aux évènements de Tunisie, selon Dina Ezzat.

« Il n’y a pas la moindre similitude. Les manifestations devant l’ambassade d’Algérie étaient vraiment massives. Il était très difficile de passer au travers de la sécurité pour prendre des photos. Les manifestations devant l’ambassade de Tunisie furent très petites et il n’y eut aucun problème, vraiment aucun, pour prendre des photos, » dit un photographe de presse d’un quotidien indépendant.

Comparer les grosses manifestations de rue devant l’ambassade d’Algérie, dans le district de Zamalek au Caire, qui suivirent la défaite l’automne dernier de l’équipe nationale de foot égyptienne aux épreuves de qualification pour la Coupe du Monde, avec les petites et brèves manifestations de militants politiques devant l’ambassade de Tunisie, également à Zamalek, serait, selon un habitant de la région, « comme si on comparait la Somalie à l’Égypte ».

Mais qu’en est-il de comparer la Tunisie avec l’Égypte ?

Le ministre du Commerce, Rachid Mohamed Rachid, et le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Abul-Gheit, n’ont pas mâché leurs mots pour nier tout parallèle entre les scènes politiques à Tunis et en Égypte.

« Les évènements de Tunis ne peuvent se reproduire en Égypte. L’Égypte a un mécanisme de 64 millions de cartes de rationnement pour amortir les hausses internationales des prix alimentaires. Et nous n’avons pas augmenté les prix des carburants depuis 2008, » expliquait le ministre du Commerce et de l’Industrie.

« Chaque pays a son propre contexte. Ceux qui parlent de répétition des évènements tunisiens en Égypte disent n’importe quoi. Ils se livrent à des fantaisies sans fondement » déclarait de son côté le ministre des Affaires étrangères.

Tant Rachid qu’Abu-Gheit répondaient alors aux questions de journalistes à Sharm El-Sheikh, en marge du Sommet économique arabe organisé et présidé par l’Égypte.

Leurs remarques réagissaient aux comparaisons faites entre la Tunisie et l’Égypte et qui étaient devenues incontournables dans la presse indépendante et dans certains débats télévisés. Pourtant, même les critiques les plus virulents du régime concèdent que la Révolution du Jasmin est peu susceptible de se répéter en Égypte, soit en raison des « mécanismes de décompression », soit en raison de la faiblesse de la classe moyenne égyptienne et des syndicats comparés à leurs homologues tunisiens.

La réaction officielle de l’Égypte, publiée par le bureau de presse du ministère des Affaires étrangères vingt-quatre heures après le renversement du Président tunisien Zein Al-Abidine ben Ali, a évité de prendre position. Elle dit simplement « respecter les choix du peuple tunisien » et appelle tous les Tunisiens à respecter leurs intérêts nationaux.

La Présidence est restée à l’écart jusqu’à ce lundi (17 janvier), quand son porte-parole, Suleiman Awad, a fait une brève déclaration à l’agence d’informations officielle MENA (Middle East News Agency - Le Caire) pour réfuter un article diffusé et ensuite repris par la chaîne satellitaire Al-Jazeera, suggérant que le Président Hosni Moubarak avait ordonné des mesures préventives - tant militaires que socio-économiques - pour éviter une révolution en Égypte. L’histoire, dit Awad, « a été inventée de toutes pièces et est sans fondement ».

D’après le porte-parole présidentiel, Moubarak n’a programmé aucune réunion avec ses principaux généraux, comme Al-Jazeera le laisser entendre, et n’a pas davantage ordonné d’annuler l’augmentation des prix de certains produits de base, « car, en premier lieu, il n’y a aucun projet de cette sorte ».

Moubarak, ajoute Awad, dirige les affaires comme d’habitude, supervisant les préparatifs pour le sommet de Sharm El-Sheikh qui s’ouvre mercredi après-midi (19 janvier).

Ceci dit, les quotidiens officiels et les chaînes de la télévision d’État ont eu quelque mal à mettre l’accent sur l’ « engagement réaffirmé » du parti au pouvoir, le Parti national démocratique, et de son gouvernement, à « respecter les directives claires et fermes du Président Moubarak pour éviter que les pauvres ne subissent tout le poids des augmentations des prix ».

Le Premier ministre, Ahmed Nazif, le ministre de la Santé, Hatem El-Gabali, et le ministre de la Solidarité sociale, Ali Meselhi, ont publié concomitamment des déclarations annonçant des subventions accrues pour les zones rurales, des plans de préventions médicales élargis et le subventionnement de nouveaux programmes sociaux.

Pour un membre de la Commission politique du parti dominant, « placer ces déclarations dans le contexte d’un apaisement social dénature la réalité ».

« Les déclarations du Président Moubarak sur le soutien aux pauvres ne sont pas une nouveauté, » dit-il, parlant sous couvert d’anonymat. « Depuis le premier jour, Moubarak a démontré sa sensibilité à l’égard des défavorisés et cela reste constant, même alors qu’il lançait son programme de réformes économiques. »

« Les évènements récents en Tunisie peuvent avoir servi ceux qui (à l’intérieur du parti et du gouvernement) plaidaient pour reporter à l’an prochain le projet d’ajustement (des prix de certains produits de base) contre ceux qui défendaient un ajustement plus tôt ».

« Aucune décision définitive n’a été prise en la matière. Ce que nous savons, cependant, c’est que le Président fait passer un moment très difficile à son groupe économique à chaque fois que celui-ci suggère une hausse des prix ».

Un ancien conseiller du Président Moubarak affirme que cette version « est probablement exacte ».

« Au cours de mes années de travail avec le Président, j’ai noté un malaise systématique de sa part à propos de toute hausse des prix, même des cigarettes, un produit qui, en premier lieu, ne devrait pas être subventionné. De toute évidence, il finit par accepter certaines augmentations, mais je peux vous dire que s’il suivait les conseils de certains membres éminents du groupe économique, les choses prendraient une autre tournure ».

La Révolution du Jasmin peut avoir pris ses racines dans l’insatisfaction socio-économique, mais elle a pris finalement une dimension politique, les manifestants étant passé des exigences de meilleures conditions économiques à celle de la fin du long règne de Ben Ali.

Ces dernières années, l’Égypte a connu ses propres manifestations demandant des conditions économiques améliorées et/ou une réforme politique. Les manifestants, des vingtaines ou des centaines, mais jamais des milliers, demandaient la modification de la Constitution pour limiter le nombre de mandats présidentiels à deux, que Gamal Mubarak, le fils cadet du Président et la vedette politique du PND (parti national démocratique), soit exclu de toute élection présidentielle à venir, la création de plus d’emplois et l’extension des subventions. Beaucoup de ces manifestations ont eu lieu devant le Parlement, là où, dimanche, un Égyptien s’est immolé par le feu pour protester contre les difficultés économiques. Deux autres ont fait de même mardi, l’un devant le Parlement, et l’autre à Alexandrie, et sont décédés de leurs brûlures. Rien ne dit, toutefois, qu’ils recueilleront le soutien qui suivit l’immolation de Mohammed Bouazizi, dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid.

Cela ne veut pas dire que l’opinion égyptienne n’est pas marquée par la Révolution du Jasmin. A en juger par les courriers adressés aux rédacteurs en chef, y compris à ceux qui ont publié les déclarations officielles, et par les interventions sur Facebook, les Égyptiens ont été massivement impressionnés par la révolution tunisienne. Pourtant, à observer la différence entre les manifestations de masse à propos du football en novembre dernier, et le modeste rassemblement de militants politiques devant l’ambassade tunisienne de vendredi dernier, on pourrait bien en conclure que la Révolution du Jasmin n’inspirera pas une Révolution des Roses.


Article écrit le 17 ou le 18 janvier par l’auteur, il peut sembler quelque peu décalé avec les derniers évènements (ndt).
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http://www.info-palestine.net

Voici comment l’Egypte a muselé l’internet


C’est une première: l’Egypte a déconnecté d’internet. Une nation de 80 millions de personnes a été instantanément coupée du réseau mondial.

Comment le pouvoir égyptien a-t-il bien pu couper le peuple de ce moyen de communication?

Un Kill Switch ?

Non il n’y a pas de bouton rouge magique permettant à Hosni Moubarak de faire disparaitre l’internet égyptien. En réalité la solution n’est pas technologique mais politique: le gouvernement égyptien a simplement ordonné aux fournisseurs d’accès internet de stopper leurs services.

Vodaphone Egypte a ainsi expliqué: “selon la loi égyptienne les autorités ont le droit d’ordonner ce genre de chose et nous sommes obligés de nous y conformer“. Les trois autres principaux FAI égyptiens que sont Link Egypt, Telecom Egypt et Etisalat Misr ont tous interrompu leur fourniture d’accès.

BGP

L’entreprise de monitoring d’internet Renesys a constaté immédiatement l’effet produit: ce sont quelques 3.500 routes BGP (Border Gateway Protocol) qui ont disparu en un instant:

à 22:34 UTC (00:34 locale), Renesys a observé la suppression virtuelle de toutes les routes vers les réseaux égyptiens dans la table globale de routage d’Internet. Environ 3.500 routes BGP individuelles ont été supprimées, ne laissant aucun chemin valide par lequel le reste du monde pourrait échanger du trafic Internet avec les fournisseurs d’accès égyptiens.

How Egypt Turned Off the Internet

Selon Stéphane Bortzmeyer, l’Egypte a littéralement débranché les tuyaux. Pour lui “BGP est le symptôme, pas la cause. Les câbles ont simplement été débranchés“. Supprimer les routes BGP (ou débrancher lse câbles) est beaucoup plus efficace pour bloquer l’internet que par exemple d’arrêter les services DNS, qui peuvent trouver des relais à l’étranger pour continuer à surfer sur le net. [Renesys, DomainIncite]

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http://www.gizmodo.fr