lundi 7 mars 2011

Les services secrets britanniques humiliés en Libye

La presse anglaise fustige ses espions qui ont tentés d'entrer en contact avec l'opposition à Benghazi et qui ont finalement été capturés par des agriculteurs.

Le livre, The History of the Secret Intelligence Service, sur l'histoire des services secrets

Le livre, The History of the Secret Intelligence Service, sur l'histoire des services secrets britanniques. (Andrew Winning / Reuters)

Le gouvernement britannique était contraint de s'expliquer lundi sur un nouveau couac dans sa gestion de la crise libyenne, après le retentissant fiasco d'une mission "diplomatique" secrète, encadrée par des militaires, auprès de l'opposition libyenne.

Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague devait s'exprimer devant la Chambre des Communes lundi à 15h30 (heure locale et GMT) après ce ratage qualifié d'"humiliation" par la presse britannique.

La Grande-Bretagne avait envoyé la semaine dernière "une petite équipe diplomatique", selon les termes officiels, à Benghazi, ville de l'est de la Libye et fief de l'insurrection contre le colonel Mouammar Kadhafi.

Objectif de la mission: entrer en contact avec l'opposition libyenne, que Londres soutient ouvertement depuis le début de l'insurrection mi-février, alors que la Grande-Bretagne s'était spectaculairement rapprochée du colonel Kadhafi ces dernières années.

L'"équipe diplomatique" était en fait composée de plusieurs membres des forces spéciales et, selon les journaux, d'un agent des services secrets ou d'un ou deux diplomates.

Elle est arrivée en hélicoptère de nuit près de Benghazi, et a été rapidement arrêtée, parce qu'elle était venue sans accord préalable, a expliqué l'opposition libyenne.

Londres a simplement évoqué - une fois les Britanniques relâchés et hors du pays, dimanche - de "problèmes" rencontrés par son équipe sur place.

Camouflet suprême pour Londres, les huit Britanniques ont été arrêtés par des agriculteurs, qui avaient repéré leur hélicoptère, selon la presse britannique.

"Nous avons tiré en l'air et on leur a dit 'les mains en l'air, ne bougez pas'. Ils ont fait ce qu'on a dit. Ce n'était pas très difficile
", a raconté l'un des employés de ferme, Rafah, interrogé par le Daily Mail.

Après avoir découvert des pistolets, des explosifs, des téléphones satellitaires et de multiples passeports dans les sacs de leurs "prisonniers", les fermiers ont décidé de contacter l'opposition, qui s'est immédiatement alarmée.

Les bouffons de James Bond

Les Britanniques ont en effet atterri de nuit, alors que les combats faisaient rage entre forces loyales au colonel Kadhafi et insurgés et que les rumeurs de débarquement de mercenaires ou de troupes étrangères allaient bon train.

Il a fallu d'intenses tractations entre Londres et l'opposition pour obtenir finalement la libération des "bouffons de James Bond", comme les a surnommés le Daily Mail.

Au moment de quitter le pays dimanche, ils se sont vu confisquer leur hélicoptère et leurs armes, selon le Times.

La mission est un retentissant échec pour Londres, d'autant plus que l'opposition libyenne a affirmé avoir refusé de parler aux envoyés britanniques "en raison de leur manière d'entrer dans le pays".

Le gouvernement libyen s'est aussi emparé de l'affaire pour moquer Londres. La télévision d'Etat a diffusé, selon le Times, une conversation téléphonique entre un diplomate britannique et un responsable de l'opposition libyenne, dans laquelle le premier cherche à obtenir la libération de ses compatriotes.

Ce fiasco ne semble cependant pas avoir calmé les ardeurs de Londres, qui multiplie les faux pas depuis le début de la crise en Libye, notamment en tardant à rapatrier les centaines de Britanniques bloqués dans ce pays. "Nous avons l'intention d'envoyer une nouvelle équipe, le moment venu", a affirmé lundi le porte-parole du Premier ministre David Cameron.

Pendant que Londres était empêtré dans la "saga de ses 'diplomates'", pour reprendre l'expression du Guardian, Rome a annoncé avoir établi des contacts "discrets" avec l'opposition libyenne.

(Source AFP